Très attendu ce mercredi, le procès en correctionnelle d’Uber France, de son directeur général Thibaud Simphal et du directeur d’Uber pour l’Europe de l’Ouest, Pierre-Dimitri Gore-Coty, attendra février 2016. C’est UberPop, le service de transport entre particuliers à titre onéreux (suspendu depuis le 3 juillet), qui est au centre des poursuites, et non le service – celui-là totalement dans les clous de la loi Thévenoud, donc légal – de transport de particuliers par des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), service également développé par Uber en France.
Qu’est-il reproché aux prévenus et à Uber France?
Plusieurs délits leur sont reprochés concernant le service UberPop: «pratique commerciale trompeuse» (la publicité présentant le service UberPop comme légal), «complicité d’exercice illégal de la profession de taxi», «aide à l’activation des comptes des chauffeurs», «organisation illicite de la mise en relation entre chauffeurs et particuliers sans être taxis», «traitement de données personnelles sans déclaration à la Cnil» (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et, enfin, «conservation de données à caractère personnel au-delà de la fin de la relation contractuelle entre usagers et clients».
Pour ces faits, Thibaud Simphal et Pierre-Dimitri Gore-Coty encourent une peine maximale de cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende, alors que la société Uber encourt, elle, 1,5 million d’euros d’amende. Parmi les quatre parties civiles qui représentent des syndicats de taxis, une demande des dommages et intérêts d’envergure à Uber France: plus d’une trentaine de millions d’euros, somme représentant 2 500 euros (la condamnation prononcée en correctionnelle en juillet par le tribunal de Bordeaux) pour chacun des quelque 1 3000 (ex-)chauffeurs UberPop.
Quelle a été la tactique adoptée par les avocats des prévenus?
Comme à leur habitude devant les juridictions françaises, les conseils de la société de transport américaine ont plaidé de nombreux moyens de procédure toute la matinée durant et multiplié les tentatives de nullités et de report de l'audience. Notamment via la présentation d'une nouvelle QPC (question prioritaire de constitutionnalité) concernant cette fois, après celles présentées au tribunal de commerce, «l'incrimination pénale de mise ou de conservation en mémoire informatisée de données à caractère personnel» qui, selon les avocats d'Uber, n'enfreint pas la loi informatique et liberté ni ne porte atteinte aux libertés individuelles des clients UberPop.
Après en avoir délibéré, le tribunal a estimé que la QPC était «recevable», mais qu'elle était «dépourvue de sérieux». Et donc qu'elle ne serait pas transmise à la Cour de cassation et, conséquemment, pas au Conseil constitutionnel.
Pourquoi le procès a-t-il été renvoyé?
Lors de la perquisition dans les locaux d'Uber France le 16 mars, cinq ordinateurs et deux disques durs ont été saisis puis placés sous scellés dans la procédure. Selon les avocats des deux prévenus, «il n'y a pas de bases de données stockées» dans les ordinateurs saisis, car «les données se trouvent dans des serveurs aux Pays-Bas et aux Etats-Unis».
Problème, selon les conseils de Pierre-Dimitri Gore-Coty et Thibaud Simphal: comme les ordinateurs et les disques durs saisis sont placés sous scellés, ni les avocats des prévenus, ni ceux des parties civiles n'ont eu accès à l'intégralité des éléments du dossier. Ils ont donc demandé le renvoi pour pouvoir se voir remettre des copies du contenu de disques durs et des ordinateurs, et ainsi pouvoir préparer la défense de leurs clients avec tous les éléments en possession de la justice. «La procédure pénale doit être contradictoire, a estimé la présidente du tribunal. Les prévenus doivent obtenir copie et consulter toutes les pièces du dossier, sans préciser ce que cela recouvre. Or, pour l'heure, les contenus n'ont pas fait l'objet d'expertises.»
Les parties pourront avoir accès aux copies des contenus et aux rapports d’experts en deux temps: en novembre puis en décembre. Et elles se retrouveront pour une prochaine audience correctionnelle au tribunal de Paris les 11 et 12 février 2016.