L'an dernier, c'est l'Académie des sciences qui dénonçait «l'augmentation insupportable des coûts d'abonnement [aux revues scientifiques], imposée par quelques éditeurs à l'ensemble des institutions et universités, empêchant la libre diffusion des articles». En ligne de mire, une poignée d'acteurs dominants aux marges plus que confortables - l'américain Wiley, l'allemand Springer ou le néerlandais Elsevier. Le mouvement en faveur de l'«accès ouvert» (ou open access) vise à encourager la diffusion des travaux de la recherche publique pour sortir des dérives d'un système «financé», dit la chercheuse Valérie Peugeot, «aux deux extrémités par le public, les chercheurs d'un côté, les bibliothèques de l'autre».
Mais pour François Gèze, président du portail de revues Cairn.info, «il faut se défier d'une dichotomie simpliste opposant le "tout libre" au "tout marchand", car le diable gît dans les détails de l'entre-deux». L'organisation du travail de validation par les pairs (peer reviewing), la mise en forme, les services en ligne ont un coût, insiste-t-il. Valérie Peugeot n'évacue pas la question : «Il faut que les éditeurs existent, mais il faut un équilibre via les délais d'exclusivité», plaide-t-elle.
A ce stade, le projet de loi numérique prévoit qu'un chercheur financé au moins pour moitié sur fonds publics puisse mettre en libre accès ses travaux publiés après un délai d'exclusivité d'un an pour les sciences «dures», deux ans pour les sciences humaines et sociales. «On ne peut trancher cette question sans études d'impact approfondies», répond François Gèze. Celle en préparation, dont Libération a pu consulter un extrait, rappelle que les revues ne représentent que 18 % de la production des éditeurs scientifiques français. Au cabinet d'Axelle Lemaire, on assure en outre qu'«il y aura des mesures d'accompagnement».