Paradoxe de l'époque, la figure la plus emblématique de la révolte à l'âge des réseaux se présente comme un fervent défenseur de la légalité et un patriote convaincu : «Etre patriote, c'est protéger son pays», lançait-il l'an dernier sur la chaîne NBC News. Chez Edward Snowden, ancien consultant pour la NSA devenu le lanceur d'alerte le plus célèbre de la planète, la désobéissance civile s'opère au nom du quatrième amendement de la Constitution américaine, qui définit le «droit des citoyens d'être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées».
Depuis juin 2013, nombre de commentateurs ont pu rappeler que Snowden avait affiché des sympathies pour Ron Paul, le candidat libertarien à la présidentielle de 2012. C'est le même Snowden qui saluait, récemment, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en matière de protection des données. Sur ce terrain comme sur d'autres, la dissidence se joue dans une articulation complexe, et parfois contradictoire, entre la primauté de l'individu, voire de ses «droits naturels», et l'appel au renforcement de l'Etat de droit, que Snowden incarne à lui seul. Le scandale de la NSA a été déclenché par le choix radical et intime d'un homme qui s'inscrit désormais dans une galaxie antisurveillance composée de journalistes (Glenn Greenwald, Laura Poitras), de hackeurs (WikiLeaks ou le Chaos Computer Club allemand), d'associations de défense des libertés. Et qui en appelle aujourd'hui à la négociation d'un traité international pour protéger la vie privée. Am.G.