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Libération
Grand jeu

Activision s'offre 5,9 milliards de dollars de bonbons

Le géant du jeu vidéo met la main sur le secteur du divertissement mobile en achetant King, l'éditeur de «Candy Crush».
«Candy Crush». (Capture d'écran)
publié le 3 novembre 2015 à 15h45

Comment devenir le big boss du divertissement sur mobile en deux coups de cuillère à pot, quand on est déjà l'un des grands patrons du secteur vidéoludique comme Activision ? Solution numéro 1 : adapter paresseusement ses titres phares sur les plateformes mobiles. Activision aurait pu capitaliser sur la licence de son jeu de guerre Call of Duty, une poule aux œufs d'or particulièrement appréciée du public adolescent, ou sur le blockbuster multijoueurs World of Warcraft, pour amener des millions de joueurs fidèles à réinvestir dans une version light de leurs jeux préférés sur tablette. Mais c'est risqué. Le gamer old school est très attaché à son PC et sa PS4, seules machines capables de cracher des graphismes photoréalistes. Quant à la souris à 18 boutons et la manette à vibrations, il est inenvisageable de les remplacer par cette interface moyenâgeuse composée d'un écran tactile et d'un doigt gras.

«Call of Duty: Black Ops 2»

Solution numéro 2 : investir massivement dans la production de jeux originaux qui scotcheront les gens à leur smartphone pour les dix ans à venir. Le potentiel est énorme : Angry Birds et Candy Crush ont prouvé qu'il était possible d'amener le grand public à la pratique occasionnelle du jeu vidéo – on appelle ça le casual gaming –, le temps d'un trajet en bus ou d'une queue à la caisse, pour des petites parties de cinq minutes qui ne demandent pas trop de concentration. Mais l'App Store et Google Play croulent déjà sous les jeux de ce genre et il est impossible de prédire quelle idée minimaliste aux graphismes mignons sera le prochain carton.

Solution numéro 3 : signer un gros chèque et racheter Candy Crush. C'est la stratégie qu'a privilégiée Activision, en s'offrant King Digital Entertainment, l'éditeur britannique du jeu mobile le plus joué au monde pour 5,9 milliards de dollars (5,4 milliards d'euros). Au niveau du catalogue, il paraît certes un peu exotique de proposer entre World of Warcraft et Call of Duty un jeu consistant à aligner des bonbons multicolores. Mais stratégiquement, c'est efficace et sans chichis. En cumulant ses clients actuels et l'armée des fanas de Candy Crush, Activision se vante désormais de compter «plus d'un demi-milliard d'utilisateurs actifs dans 196 pays». Candy Crush ? Pour le boss d'Activision, Bobby Kotick, c'est bien plus qu'un jeu : «A part YouTube ou Facebook, il n'y a aucun réseau social qui dispose d'une audience aussi importante.» Des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, des geeks et des gens très sérieux qui jurent leurs grands dieux qu'ils n'ont jamais touché un jeu vidéo de leur vie, avant de casser deux ou trois bonbecs avec une sucette rayée. Et l'idée est évidemment de les faire jouer avec autre chose qu'avec des bonbons.

Tous les jeux de King (Candy Crush, Bubble Witch, Pet Rescue…) fonctionne sur le même modèle : ils sont gratuits au téléchargement, mais incitent le joueur à effectuer des micropaiements pour bénéficier de certains bonus et progresser plus vite. Un euro par-ci, un euro par-là… Même si «70% des joueurs n'ont pas déboursé un centime», selon Tommy Palm, patron de King, les 30% restants suffisent largement à remplir les poches de l'éditeur. 700 000, 800 000 ou même 900 000 dollars de bénéfices par jour, selon les estimations.

Activision espère donc voir ses bénéfices bondir dès 2016, annonce son communiqué. Les attentes sont au moins aussi grosses que l'investissement, qui est assez inédit dans l'histoire du jeu vidéo. En 2014, on a vu Facebook acheter le casque de réalité virtuelle Oculus Rift pour 2 milliards de dollars et Microsoft s'offrir Minecraft pour 2,5 milliards. Mais pour trouver plus cher, il faut remonter à 2008, quand Activision – déjà lui – avait acquis Blizzard Entertainement (éditeur de Warcraft, Diablo et StarCraft) en fusionnant avec Vivendi Games, une boîte à 8,1 milliards de dollars. Si tout se passe bien, la transaction devrait être bouclée au printemps 2016.