«Même les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel»… C'est à se demander si le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, n'aurait pas pour projet de faire mentir la logique imparable de ce vieux dicton de Wall Street qui tente pourtant régulièrement de ramener sur terre les Montgolfière de l'Internet. Après Google, Apple et Amazon, le «F» de l'acronyme GAFA a annoncé mercredi soir à la clôture de la Bourse de New York des résultats financiers canons, encore et toujours supérieurs aux prévisions des analystes, surfant sur une croissance dopée aux «Like» de ses quelque 1,5 milliard d'utilisateurs.
Pour le troisième trimestre (de juillet à septembre) de l'exercice 2015, le «Social Network» a vu son chiffre d’affaires bondir de 41 % sur un an à plus de 4,5 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) et il a engrangé au passage un profit record sur cette période de 891 millions de dollars (820 millions d’euros), en hausse de 11 %. Sur neuf mois, la petite entreprise de Zuckerberg a généré plus de 12 milliards de dollars de revenus et 4,2 milliards de bénéfices avant impôts et dividendes aux actionnaires… A ce train-là, elle devrait flirter en 2015avec les 20 milliards de chiffre d’affaires.
Plus de 300 milliards à Wall Street
Facebook est encore loin des chiffres stratosphériques de Google (66 milliards de dollars de chiffres d'affaires en 2014 !), qui s'est récemment rebaptisé «Alphabet» pour signifier au monde son ambition numérique totale. Mais la détermination du réseau social à grandir et grossir toujours plus impressionne. Sur ce trimestre clos fin septembre, Facebook a consacré à cette ambition près des deux tiers de son chiffre d'affaires, plus de 3 milliards de dollars. Ses dépenses ont ainsi flambé de 62 % d'une année sur l'autre, ce qui ne plaît pas toujours à ses actionnaires court-termistes. Surtout après les 20 milliards de dollars et quelques (!) dépensés en 2014 par Facebook pour racheter l'application de partage de photos Instagram et le fabricant de réalité virtuelle Oculus Rift. Mais «It takes money to make more money» dit un autre adage de Wall Street.
Et la stratégie de l’ogre social sur le long terme s’avère jusque-là éminemment payante pour ceux qui ont misé leurs petites économies sur l’action FB: en trois ans, sa valeur a presque été multipliée par quatre à plus de 100 dollars. L’entreprise Facebook pèse désormais plus de 300 milliards de dollars en Bourse. Plus que General Electric (297 milliards) et presque autant que Google (367 milliards) en réalisant dix fois moins de chiffre d'affaires que le vieux conglomérat industriel et quatre fois moins que le titan du Web ! La raison en est que Zuckeberg a tenu sa promesse de transformer tous ses «amis» en accros au mobile: sur 1,55 milliard d’utilisateurs, 1,36 milliard se connectent désormais prioritairement via l’écran de leur smartphone. Facebook everywhere, anytime, dans la rue, au boulot, jour et nuit… les annonceurs apprécient, eux qui payent de plus en plus cher leur ticket d’entrée dans l’intimité des utilisateurs du réseau social. Les habitués auront remarqué l’avalanche des spots publicitaires qui s’incrustent dans leur timeline comme à la télé.
8 milliards de vidéos vues
La vidéo prend d'ailleurs une place de plus en plus prépondérante dans les contenus postés. Facebook annonce le chiffre hallucinant de 8 milliards de vidéos vues par jour par plus de 500 millions de personnes. Merci le mode «Autoplay» qui lance automatiquement les vidéos à mesure que l'utilisateur remonte son fil… Agaçant mais efficace pour gonfler les stats. L'objectif de Zuckerberg semble clairement de concurrencer la plateforme YouTube de Google sur le terrain des usages et donc des recettes publicitaires. Mais la logique puritaine de Facebook bannit toujours tout ce qui ressemble de près ou de loin à du sexe. Jusqu'à l'absurde. Un photographe allemand a encore récemment montré comment l'entreprise californienne censurait imparablement la photo d'une femme aux seins nus tout en laissant passer un message néonazi… Bref, il manque encore quelques neurones à l'intelligence artificielle maison qui voit du cul partout et n'a manifestement aucune conscience politique. Mais la plupart des utilisateurs de Facebook s'en fichent du moment qu'ils peuvent exister en ligne et scruter les aventures virtuelles de leurs anciens camarades de lycée.
Alors jusqu'où peut aller Facebook ? Assez loin pour projeter de construire une armada de drones grands comme des Boeing 737 ou de lancer une flotille de mini-satellites dans le but a priori louable mais hautement monétisable d'apporter l'Internet par les airs au (tiers) monde non connecté. Mark Zuckerberg ne s'en est jamais caché, il voit aussi grand que ses «petits» camarades de Google: «Mon ambition n'a jamais été de construire une entreprise mais de créer quelque chose qui pourrait changer le monde», a-t-il déclaré un jour avec ce mélange de fausse naïveté et d'arrogance qui caractérise les gens de la Silicon Valley. Beau comme une citation du film de Fincher. A défaut d'avoir changé le monde en mieux, l'ex-étudiant de Harvard est devenu le plus jeune multi-milliardaire du monde avec une fortune estimée par Forbes à 45,4 milliards de dollars. Zucky peut dire merci à ses 1,5 milliard d'amis.