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Libération
Éditorial

Fnac-Darty : c’est encore loin l’Amazonie ?

La fusion avec Darty va permettre au nouvel ensemble de peser plus lourd dans l’Hexagone. Mais il en faudra plus pour contrer Amazon. So what ?
Conforama a renoncé à surenchérir sur l'offre de la Fnac pour le contrôle de Darty (Photo PHILIPPE HUGUEN. AFP)
publié le 6 novembre 2015 à 19h26

C’est fait, la Fnac et Darty ont signé vendredi le contrat de confiance qui va permettre à l’agitateur culturel de racheter la chaîne de magasins de produits high-tech et électroménagers. Après une première rebuffade de rigueur, les actionnaires anglo-saxons de Darty ont accepté l’offre de la Fnac, améliorée à 860 millions d’euros. Mais pas d’inquiétude chers clients, les deux enseignes resteront distinctes.

La Fnac a beau s'être lancée dans les machines Nespresso et les aspirateurs robots, elle ne va pas commencer à vendre des lave-vaisselle. Et, c'est promis, Darty ne mettra pas le dernier Goncourt en tête de gondole. Oui, mais alors, à quoi rime ce deal qui va donner naissance à un «leader de la distribution de produits techniques, culturels et électroménagers» (avec 7 milliards de chiffre d'affaires cumulé, 111 magasins Fnac et 178 Darty en France) ? Darwinienne, la réponse tient en un mot : survie. Car sur la planète Commerce, un grand fleuve numérique nommé Amazon emporte tout sur son passage, noyant les plus faibles, submergeant les plus solides. De grandes enseignes comme Virgin et Surcouf ont déjà fermé boutique, tandis que Boulanger, grand concurrent de Darty, avalait Saturn. Rivaliser sur les prix et la livraison en 24 heures avec le numéro 1 mondial du e-commerce qui n'a que des entrepôts à gérer et souffre d'une phobie administrative quand il s'agit de payer des impôts en France ? Pour la Fnac, c'est comme combattre un sumo avec un bras attaché dans le dos.

La fusion avec Darty va permettre au nouvel ensemble de peser plus lourd dans l'Hexagone. Mais il en faudra plus pour contrer Amazon. So what ? Après avoir échoué à rivaliser sur Internet avec le maître du «one clic», la Fnac s'est redécouvert un atout oublié : ses vrais magasins, qui sont autant de points de vente en dur, mais aussi de mini-entrepôts pour livrer les achats en ligne… «Amazon est un logisticien, nous sommes de vrais commerçants», martèle son patron, Alexandre Bompard. Mais gare au chassé-croisé : la logique paradoxale du nouveau commerce «multicanal», c'est que le logisticien devient marchand et inversement. On apprend à l'instant qu'Amazon vient d'ouvrir sa première vraie librairie à Seattle, alors que la Fnac aurait plutôt tendance à remplacer ses gentils vendeurs en gilet par des caisses enregistreuses automatisées… Alors petit conseil gratis au boss de la Fnac : si «l'agitateur» a une seule carte à jouer face à l'ogre dématérialisé, c'est de remettre de l'humain dans ses magasins.