Faire de la France une «Start-up Nation», voici la réjouissante ambition d'Emmanuel Macron. Start-up Nation, c'est le titre d'un livre sur «les ressorts du miracle économique israélien», qui raconte comment, en vingt ans, Israël est devenu une puissance technologique. On devine derrière ce miracle ce qui fait rêver le ministre et tous ceux qui trouvent que la France ne chevauche pas avec assez d'entrain le dragon du numérique. On partage ce diagnostic, les Français aussi, tant ils sont à la fois utilisateurs de ces plateformes et parmi les premiers en Europe à créer des entreprises innovantes. On partage moins le storytelling de certains : pour nous transformer, il faudrait, dit la petite musique, «lever les freins à l'innovation et à l'emploi, faire maigrir une administration lourde et en finir avec un Etat qui crée de l'insécurité fiscale». Ceux qui ont participé à la création d'une entreprise savent qu'il y a du vrai dans tout ça, mais que c'est aussi une brochette de clichés. Les réussites françaises, comme Criteo ou Blablacar, le prouvent. Comment alors créer davantage de cette nécessaire innovation pour rattraper notre retard ? Et si c'était, paradoxalement, par mieux d'Etat ?
Après tout, si les Américains ont si bien pris part à la révolution numérique, c’est grâce à un Etat stratège. Si Israël a si bien réussi, c’est parce que les liens entre armée et entrepreneurs sont étroits. A une loi tactique mais nécessaire d’accompagnement de la mutation française, il manque une vision stratégique. Comment anticiper les futures révolutions ? Est-ce possible sans l’Europe ? Pour quel intérêt général ? Dupliquer des modèles nés ailleurs, sans créer ceux qui correspondent à nos valeurs, même avec la plus noble des missions, ne nous aidera pas. Faute de stratégie globale, la France et l’Europe rateront l’envol de leurs dragons et finiront colonies des monopoles des Silicon Valley. La disruption s’y jouera à plein, sans autre filet que celui d’un Etat social déjà exsangue, amputé des recettes fiscales… de ces géants.