Menu
Libération
Audiovisuel

Du cash pour sauver le modèle Canal +

Devant les salariés de la chaîne cryptée réunis jeudi à l'Olympia, Vincent Bolloré a évoqué 2 milliards d'euros d'investissement pour retrouver une croissance de long terme et enrayer la baisse du nombre d'abonnés en France.
Vincent Bolloré, en janvier 2015 à Ergué-Gaberic (Finistère). (Photo Fred Tanneau. AFP)
publié le 13 novembre 2015 à 14h09

C'est pratique d'avoir sa propre salle de spectacles : on peut y réunir facilement ses salariés, comme l'a fait jeudi le patron de Vivendi et Canal +, Vincent Bolloré, en conviant l'ensemble des salariés de la chaîne cryptée à l'heure du déjeuner à l'Olympia, boulevard des Capucines à Paris. Alors que l'action Vivendi a lourdement chuté mercredi à l'annonce des résultats du troisième trimestre (mauvais résultats de la branche musique Universal à cause de la chute des revenus liés à la vente «physique», en recul de 9%, et du téléchargement, en baisse de 14% ; chute de 80 000 abonnés à Canal + en France sur un an), Vincent Bolloré a annoncé son intention d'investir deux milliards d'euros pour relancer sa chaîne payante. Dans une ambiance décrite comme «bon enfant» par un des participants, le nouvel homme fort de Canal + a fait un tour d'horizon des différentes entités du groupe avant de décrire comme «sérieuse» la situation de Canal +, chahuté par la mutation de la télévision et la montée en puissance des nouvelles offres de vidéo à la demande. Le taux de désabonnement atteint désormais 14,9 %, même si la désaffection en France est compensée par la forte croissance de Canal + en Afrique, où le groupe a acquis 502 000 abonnés en un an mais pas au même tarif.

Grands matchs

Droits sportifs, cinéma, carrières d'artistes, décodeurs, l'homme d'affaires breton a évoqué plusieurs pistes de relance afin de mettre fin – ou d'atténuer – la lente décrue des abonnés de Canal + en France. «Il est indispensable que nous réinvestissions dans le sport», a-t-il notamment déclaré au moment où les droits des grandes compétitions sportives sont de plus en plus raflés par le concurrent Bein Sport, propriété d'investisseurs qataris. D'un coût d'abonnement, récemment augmenté, de 12,99 euros par mois contre 39,90 euros par Canal +, Bein Sport fait maintenant jeu égal avec la chaîne cryptée pour les retransmissions des grands matchs de Ligue des champions, dont ceux du PSG, et a même acquis un droit préférentiel de priorité pour choisir ses matchs de diffusion à partir des huitièmes de finale.

Alors que les sorties de nouvelles box se multiplient comme la Zive lancée la semaine prochaine par SFR qui, comme la dernière box de Free, permet d'accéder à des contenus diffusés en 4K, la nouvelle norme de télévision ultra haute définition, Vincent Bolloré a annoncé son intention d'investir 600 millions d'euros dans une nouvelle génération de décodeurs. «Nous avons 6 millions de décodeurs à 100 euros », a-t-il dit après avoir expliqué «qu'il fallait avoir le courage d'investir quand ça va mal». Il faut dire qu'avec huit milliards d'euros de trésorerie en caisse, suite à une vague de cessions tous azimuts ces dernières années, le groupe Vivendi, recentré sur les contenus à l'exception de sa montée au capital de Télécom Italia, a les moyens de ses ambitions.

Il a également évoqué une internationalisation de la politique de contenus de la chaîne en expliquant qu'il fallait les formater dans le but de les vendre également à l'étranger. A titre d'exemples, il a parlé d'une déclinaison de Groland aux Etats-Unis ou encore une version internationale des secrétaires «Catherine et Liliane» du Petit Journal.

Etat-major réorganisé

Jouant de «l'autodérision» pour désamorcer les critiques sur son autoritarisme et ses accusations de censure qui ont accompagné sa prise de pouvoir depuis l'été dernier au sein de la chaîne cryptée, il a enfin justifié sa reprise en main de la chaîne, qui s'est traduite par une réorganisation en profondeur de son état-major mais aussi des résultats en forte baisse d'audience depuis la rentrée sur la grille en clair.

«Le ton change, Vincent Bolloré commence à comprendre qu'il ne pourra pas réinventer la chaîne seul, sans ou contre ses salariés», estimait un observateur à la sortie de la réunion. «Mais il sera difficile de réussir en se limitant à un positionnement exclusivement premium, poursuit-il. La principale cause de désaffection, c'est la profusion actuelle de l'offre, y compris gratuite, et d'une concurrence qui propose certes des services différents et un peu moins complets, mais à un quart du prix.» A quand une plus grande segmentation de l'offre avec plusieurs tarifs d'abonnement ? C'est très probablement une des pistes de réflexion actuelles de la chaîne. Depuis le début de l'année, l'action Vivendi a baissé de 3,46%, alors que l'ensemble du secteur des médias en Europe affiche une progression de 13%.