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Libération
Reportage

Au salon de la sécurité intérieure, business presque «as usual»

Ce mardi s'ouvrait en banlieue parisienne le salon «Milipol», consacré à la sécurité intérieure des Etats. Quatre jours seulement après les attentats de Paris, les professionnels évoquent un regain d'activité dans ce secteur.
Salon Milipol au Parc des Expositions de Villepinte, le 18 novembre. (Photo Julien Mignot pour Libération)
publié le 17 novembre 2015 à 21h14

Curieux hasard du calendrier. Quatre jours seulement après les attentats de Paris s'ouvrait ce mardi le salon international Milipol consacré à la sécurité intérieure des Etats. Au parc des expositions Paris Nord Villepinte (Seine-Saint-Denis), qui plus est, à quelques kilomètres à peine de Drancy, où a grandi l'un des tueurs du Bataclan.

Plusieurs salons prévus cette semaine ont été annulés depuis les événements de vendredi. Le Salon des maires a ainsi été reporté à fin mai «à la demande de l'Etat», ont indiqué ses organisateurs dans un communiqué. Mais pas Milipol. Dans cette grande foire de l'armement, où l'on vous tend une cartouche de calibre 357 au lieu d'une glace lorsque vous demandez un «Magnum», l'ambiance était plutôt au «business as usual».

Le contexte semble en effet favorable pour les professionnels de la sécurité. En témoignent, ces derniers jours, le nouvel arsenal sécuritaire déployé par François Hollande – état d’urgence, rétablissement des contrôles aux frontières, augmentation prochaine des effectifs de police et de gendarmerie – et l’intensification des frappes aériennes françaises contre l’Etat islamique.

Pourtant, parmi les uniformes, les costards et les muscles saillants constituant la faune de Milipol, peu de marchands de canon se risquent à confirmer que ces attentats sont bien une aubaine pour eux. «Pas de commentaire», nous lance froidement un représentant du fabricant d'armes à feu Sig Sauer (dont les pistolets 9 mm équipent les forces de l'ordre françaises), crispé par la question. La plupart de ses concurrents ne prendront pas la peine de nous répondre.

Une hausse des ventes mécanique

Mais tous ne s'en cachent pas. Le distributeur français Visiom, spécialisé dans les portiques de contrôle des personnes et des bagages, observe ainsi un regain d'activité. «Une dizaine d'établissements recevant du public nous ont contactés depuis vendredi», confie son responsable marketing sur le stand de l'entreprise, qui fait face à l'entrée du salon. «Ce ne serait pas correct de parler d'aubaine, mais ce genre d'événements entraîne mécaniquement une hausse de nos ventes. Après le 11 septembre 2001, nous avions déjà eu un pic d'activité.»

Milipol regorge d’armes, d’équipements et de véhicules en tous genres, soi-disant conçus pour une meilleure protection des citoyens et des forces de l’ordre. On y trouve des snipers de différentes couleurs, des fusils-mitrailleurs waterproof et des blindés à l’épreuve des assaillants et des manifestants. C’est le genre de salon où des vendeurs en nœud papillon sourient en vous tendant un taser.

On y croise aussi bien des jeunes réservistes français venus essayer le fusil d'assaut «416» d'Heckler & Koch, pressenti pour remplacer le fameux Famas dans les mains de l'armée, que des businessmen indonésiens invités par un ami chinois «voir ce qui se fait de neuf», et des modérateurs du forum Materiel-militaire.com.

Cette course à l'équipement et à la technologie, au motif de la sécurité, a pourtant un coût élevé. Prenez le «Provision 2» de la société L-3 Communications, un portique de sécurité nouvelle génération capable de détecter par ondes radio aussi bien les métaux, les explosifs organiques et les substances narcotiques. «Le détecteur seul coûte 200 000 euros. Pour une ligne complète déployable en aéroport [bagages et équipements contrôleurs compris, NDLR], c'est autour de 850 000 euros», indique-t-on chez Visiom, distributeur officiel du produit. Le produit est expérimenté depuis quinze jours à l'aéroport de Lyon Saint-Exupery, et déjà installé au palais de justice de Paris, d'après l'entreprise.

L'innovation se heurte aussi à la réalité du terrain. Sur le stand du Raid, l'unité d'élite de la police nationale, qui est notamment intervenue vendredi au Bataclan aux côtés de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI), le responsable recherche et développement nous explique calmement : «Vendredi soir, c'était du combat très basique. Le genre de situation où la procédure prime.» C'est-à-dire ? «On n'a pas utilisé de technologie de pointe.»