Votée le 1er octobre dans une Assemblée nationale quasi vide, puis le 27 dans un Sénat à peine plus fourni, la loi sur la «surveillance des communications électroniques internationales» vient de terminer son parcours. Saisi le mois dernier par 60 sénateurs, le Conseil constitutionnel l'a validée dans son intégralité. Il a jugé, résume le communiqué publié ce jeudi en fin de journée, que le texte ne portait «pas d'atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances».
Déposée en urgence début septembre par les députés socialistes Patricia Adam et Philippe Nauche, la présidente et le vice-président de la commission de la défense, la proposition de loi visait précisément à répondre à la censure par les «Sages», cet été, d'un chapitre de la loi sur le renseignement. A l'époque, ces derniers avaient jugé qu'en renvoyant l'essentiel du dispositif à deux décrets (dont un secret), et en ne définissant ni les conditions de traitement des données collectées, ni les modalités du contrôle exercé par le nouveau gendarme des écoutes, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), les parlementaires n'avaient tout simplement pas fait leur travail.
Du décret secret à la loi
Désormais, le Conseil constitutionnel ne trouve plus rien à y redire, puisque «le législateur a précisément défini les conditions de mise en œuvre des mesures de surveillance [...] ainsi que celles d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés et celles du contrôle» par la CNCTR – lequel ne s'exerce qu'a posteriori. Le texte, qui autorise la surveillance des communications «émises ou reçues de l'étranger» sur des «réseaux de communications électroniques» entiers, vient ainsi graver dans le marbre législatif l'interception, par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), des données transitant par les câbles internet sous-marins qui passent par les côtes françaises. Déployée en 2008, elle relevait jusqu'ici d'un décret secret pris après avis du Conseil d'Etat, dont l'Obs avait révélé le contenu cet été.
Une surveillance technique massive que les associations de défense des libertés ont régulièrement dénoncée ces derniers mois, et dont l'efficacité en matière de prévention du risque terroriste est loin d'être avérée, rappelait récemment le New York Times. Au lendemain des attentats du 13 novembre, ce «fétichisme technologique» est questionné : «C'est rassurant, mais ça n'a jamais marché, juge un haut responsable de la lutte antiterroriste interrogé par Libération. Quelle opération a été neutralisée grâce à la data ?» Pour l'ancien de la DGSE Claude Moniquet également, «le renseignement est d'abord une affaire d'hommes», et la technique, «un appoint».