Depuis qu'il a lancé début octobre une véritable OPA rampante sur l'éditeur de jeux vidéo Ubisoft et sa société soeur Gameloft spécialisée dans les jeux pour mobile, Vincent Bolloré ne lâche plus sa proie : il veut prendre le contrôle d'UbiSoft, éditeur des jeux comme «Assassin's Creed», «Far Cry» et les «Lapins Crétins» pour le marier de force avec son groupe Vivendi, par ailleurs propriétaire de Canal + et DailyMotion. Nouvel acte de cette offensive, Vivendi a annoncé ce lundi soir «détenir aujourd'hui 26,69 % du capital de Gameloft», après deux franchissements de seuil de 20 et 25 % déclarés à l'Autorité des marchés financiers le 1er et le 3 décembre.
Fin octobre, le raider breton ne contrôlait pourtant via Vivendi que 10,4 % d'UbiSoft et 10,2 % de Gameloft, deux sociétés créées par les frères Guillemot. Mais le milliardaire n'a cessé depuis de racheter des titres sur le marché, portant notamment sa participation dans Gameloft à 17,3 %. Jusqu'à preuve du contraire et nouvelle déclaration de franchissement de seuil, Vivendi détenait fin novembre 11,52 % du capital et 10,15 % des droits de vote d'Ubisoft. Mais le groupe de Bolloré a pu grignoter un peu plus de capital depuis cette date, sans franchir le seuil de déclaration obligatoire des 20 %. Vivendi a déjà dépensé plus de 300 millions d'euros dans son raid sur UbiSoft (qui est valorisé à 3 milliards d'euros en Bourse) et près de 130 millions pour Gameloft. Une toute petite partie de 9 milliards d'euros de trésorerie dont dispose le groupe de médias et de divertissement…
Dur de barrer la route au glouton
Les Guillemot, qui sont loin d'avoir la même surface financière, ont répondu en se renforçant le 19 novembre à hauteur de 15,24 % dans Ubisoft et ils contrôlent a priori toujours leur groupe grâce à leurs droits de vote privilégiés (23,82 %). Ils sont aussi montés le 25 novembre dernier dans Gameloft à hauteur de 15,2 % (24,18 % de ses droits de vote), dans l'espoir de barrer la route au Pac-man glouton. Dans un entretien aux Echos en date du 28 octobre, le PDG d'UbiSoft Yves Guillemot a réaffirmé sa détermination à se battre contre l'intrus «pour préserver l'indépendance» de son groupe: «Nous avons le sentiment d'avoir vécu une agression […]. On n'entre pas dans une société en cassant la porte», avait-il notamment dit à l'adresse de Bolloré. Pas de quoi impressionner le raider le plus redouté de la place. Et de toute évidence, le fait que Vivendi soit devenu le premier actionnaire de Gameloft, la société soeur d'UbiSoft, est une mauvaise nouvelle pour le clan Guillemot qui est peut-être en train de perdre la bataille pour le contrôle du groupe familial.
Dans un communiqué, Vivendi ne dit d'ailleurs rien de sa position actuelle dans UbiSoft. Le groupe affirme en revanche que ses derniers achats dans Gameloft «n'ont pas été spécifiquement conçus comme une étape préparatoire à un projet de prise de contrôle» et qu'il n'y a pas d'OPA en cours. Pour le moment… Car Vincent Bolloré se fait menaçant : «Vivendi entend privilégier une approche constructive permettant d'étudier une collaboration fructueuse pour les deux groupes» mais «si une telle approche ne se conclut pas favorablement, Vivendi n'exclut pas de prendre le contrôle de Gameloft». A défaut de pouvoir s'imposer chez UbiSoft pour le moment. Bolloré réaffirme aussi que «l'investissement de Vivendi dans le secteur d'activité de Gameloft participe d'une vision stratégique de convergence opérationnelle entre les contenus et les plates-formes de Vivendi et les productions de Gameloft dans le domaine des jeux vidéo». Vision rejetée en bloc par les Guillemot qui veulent rester maîtres chez eux. Entre les deux camps, le wargame est loin d'être terminé.