Ce n'est pas encore le court-circuit, mais notre géant électrique national est dans un état de surtension inédit depuis l'après-guerre. Inquiets pour l'emploi, les élus du comité central d'EDF ont usé «pour la première fois» de leur droit d'alerte, jeudi, pour pointer «la situation préoccupante» et le risque «d'impasse industrielle, économique et sociale» qui menace l'entreprise. Les investisseurs sont tout aussi inquiets, même si c'est pour d'autres raisons. Dix ans après l'entrée en Bourse triomphante, c'est la déroute : l'action est en chute libre (- 42% depuis le 1er janvier) et EDF sera carrément éjectée du CAC 40 le 21 décembre au profit d'un spécialiste des centres commerciaux. Et pour cause. Malgré ses 73 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2014, le mastodonte ne dégage plus assez de cash pour faire face aux énormes défis qui l'attendent : «grand carénage» du parc nucléaire français (55 milliards d'euros de travaux à prévoir d'ici à 2030), financement des deux EPR britanniques de Hinkley Point (une dizaine de milliards de mieux), sauvetage forcé d'Areva (2,7 milliards à débourser dès 2016), etc. N'en jetez plus. Personne ne sait comment EDF, qui traîne déjà le boulet de sa dette (37 milliards), va pouvoir financer cette addition à huit ou neuf chiffres en l'état.
Avec 84% du capital, l’Etat est sans nul doute le premier responsable de cette impasse. En relevant le compteur de ses dividendes bon an mal an (2 milliards d’euros ponctionnés en 2014 sur 3,7 milliards de résultat) et en interdisant régulièrement à EDF d’augmenter ses tarifs pour couvrir ses besoins, il s’est comporté comme un vulgaire fonds de pension, un actionnaire rapace à courte vue.