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Analyse

Non, il n’y aurait pas d’eau sur Mars (mais du CO2)

Les traces sombres sur les pentes martiennes ne seraient pas dues à des coulées d'eau salée. (Photo NASA / JPL / University of Arizona)
publié le 22 décembre 2015 à 18h51

Nouvelle déception pour les aficionados de la recherche de vie sur Mars. Les mouvements de terrain récents, observés par le satellite Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) de la Nasa depuis 2006, comme des creusements de ravines, de chenaux et la formation de cônes de débris, ne sont pas dus à de l’eau souterraine.

Un duo de deux planétologues français vient verser une sérieuse douche froide sur les annonces répétées de chercheurs américains, fortement mises en scène par la Nasa au nom de l'idée que s'il y a encore, même seulement par intermittence, de l'eau liquide sur Mars, alors la chance d'y trouver de la vie serait sérieuse. Dans leur étude publiée ce mardi dans Nature Geoscience, Cédric Pilorget, chercheur à l'Institut d'astrophysique spatiale? et François Forget, chercheur du CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique, montrent que ces mouvements de terrains sont en réalité provoqués par un phénomène surprenant, typiquement martien et sans équivalent terrestre, où l'énergie solaire et la glace de dioxyde de carbone, le CO2, sont responsables de ces ravinements que l'on croyait exclusivement le fait d'écoulement d'eau liquide.

Une image montre des ravines martiennes récentes. A droite, les dunes du cratère de Russel. A gauche des ravines sinueuses. Ce sont des images récentes, prises par la caméra à haute résolution de MRO, qui ont excité les astrogéologues américains. Les planétologues attribuaient leur formation à l'action de l'eau liquide. Or, selon cette étude, c'est l'interaction entre le rayonnement solaire et la glace de CO2 à la fin de l'hiver qui en est la cause.

Ce qui a mis la puce à l'oreille des deux scientifiques, c'est l'observation récente de formation de ravines par la sonde de la Nasa Mars Reconnaissance Orbiter. Le problème ? Les images étaient prises à des lieux et à une saison où la température était nécessairement très en dessous de zéro. Impossible, donc, d'imaginer que l'eau y soit liquide. Pour résoudre l'énigme, Forget et Pilorget ont construit un simulateur très détaillé du sol martien et de son évolution sous l'effet des rayonnements solaires. Ils ont alors découvert que, sous la glace de CO2 qui se dépose lors de l'hiver local à partir du réservoir atmosphérique, chauffée par le Soleil, d'intenses mouvements de gaz peuvent déstabiliser et fluidifier le sol jusqu'à créer des coulées semblables à celles générées par un liquide. Est-ce la fin de toute possibilité d'une eau liquide, par intermittence, à la surface de Mars aujourd'hui ? En tout cas, cela en limite très sérieusement l'hypothèse.