La PS4 haut la manette
Pour Sony, la bataille la plus importante était celle du grand marché américain. Car c’est aux Etats-Unis que sa précédente console, la PlayStation 3, avait trébuché face à la Xbox 360 de Microsoft - avec seulement 27 millions d’unités vendues contre environ 43 millions pour celle de Microsoft et plus de 41 millions pour la Wii de Nintendo, selon les données de l’institut NPD.
- A touche-touche sur le marché américain. C'est outre-Atlantique que la PlayStation 4 a été lancée en priorité, le 15 novembre 2013, quelques jours seulement avant la Xbox One. Vingt-cinq mois plus tard, la console de Sony a dominé sa rivale à vingt reprises, d'après le bilan des ventes mensuelles publié par NPD, et approche les 11 millions d'unités vendues aux Etats-Unis. La PS4 ne devance toutefois sa concurrente directe qu'à hauteur d'un million d'exemplaires, ce qui permet à Microsoft d'espérer encore pouvoir passer devant. En théorie du moins. Car si la Xbox One a su frapper un grand coup à la fin de l'année 2014 en surpassant la PlayStation 4 au cours des deux mois les plus importants de l'année - novembre et décembre -, elle ne devrait pas rééditer cet exploit en 2015.
Dans la dure bataille du mois de novembre, marquée aux Etats-Unis par le crucial rendez-vous du «Black Friday», la console de Sony a dominé sa rivale de plus de 200 000 ventes. Une réussite d'autant plus marquante qu'elle se fait sans grande exclusivité, le catalogue de Sony misant sur les valeurs sûres (Fifa 16, Call of Duty, Assassin's Creed…) en cette fin d'année, en attendant des sorties plus ambitieuses pour l'année 2016, où l'avance de la PlayStation 4 devrait logiquement s'accroître.
- Victoire par KO en Europe. Même match serré au Royaume-Uni, où la PlayStation 4, qui avait dépassé les 2 millions de ventes en mai 2015, domine, mais où la Xbox One parvient encore à batailler. La partie est en revanche pliée dans le reste de l'Europe continentale. En France, la console de Sony avait déjà conquis une part de marché supérieure à 70 % au terme de l'année 2014 (en retirant la Wii U de l'équation), ne laissant que des miettes à la Xbox One. En Allemagne, la PS4 grimpe à 80 % et presque 90 % en Espagne, selon les données de l'institut GFK.
Au niveau mondial, Sony a donc annoncé triomphalement, début novembre, avoir dépassé les 30 millions de consoles vendues dans le monde. Avant même l’épreuve finale des fêtes de Noël, la victoire de Sony semblait déjà incontestable.
- Une machine pourtant pas supérieure. Pour gagner son pari, Sony n'a pas fait la même erreur que pour la PlayStation 3, bien trop chère (600 euros) à ses débuts : lancé à 400 euros, la PlayStation 4 se trouve désormais à moins de 300 euros comme la Xbox One. Et le japonais a simplifié l'architecture, ambitieuse mais trop complexe à appréhender pour les développeurs, de sa précédente console. La PS4 est ainsi plus proche de la configuration d'un ordinateur. Elle bénéficie surtout d'un processeur à huit cœurs et d'un circuit graphique très puissant signé AMD, qui améliorent grandement la résolution des jeux. Sa supériorité graphique par rapport à la Xbox One est anecdotique, presque invisible à l'œil nu, mais elle a été très médiatisée par la presse spécialisée. De quoi imposer l'idée que l'expérience de jeu est plus aboutie sur PlayStation 4. Qu'importe si elle accumule relativement peu de jeux exclusifs, contrairement à la Xbox One qui mise toujours sur ses licences Halo, Gears of War ou Tomb Raider : à une époque où la majorité des jeux sortent sur les deux supports, une grande partie du public cherche avant tout à savoir sur quelle console il pourra bénéficier des meilleures versions.
- Le Japon préfère les smartphones. Seule ombre au tableau : le Japon, le bastion natal de Sony, où désormais les consoles de salon ne font plus tellement recette face aux consoles portables et aux jeux sur smartphones. Deux ans après son lancement sur le marché, la PlayStation 4 a tout juste dépassé les 2 millions de ventes sur ses terres, selon l'institut Media Create. Soit trois fois moins que les scores enregistrés par la PlayStation 2 sur une durée similaire. Le problème vient surtout de l'offre en matière de jeux spécifiquement japonais, lesquels se font plus rares et moins ambitieux depuis quelques années, faute d'amortissement possible en dehors de l'archipel. Mais Sony promet de relever le niveau en 2016, avec de nouveaux épisodes de plusieurs sagas très populaires au Japon.
La Xbox One rame
Microsoft avait terminé le match précédent dans l’euphorie, surpassant, avec sa Xbox 360, les ventes de la PlayStation 3 et de la Wii de Nintendo aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Et les choses s’annonçaient plutôt bien pour la console de nouvelle génération Xbox One.
- Une belle bête. Dotée d'un processeur AMD plus puissant, d'un gros disque dur et du fameux détecteur de mouvements Kinect avec commande vocale permettant au joueur d'interagir sans manette, la nouvelle console avait tout ce que l'on demande à une console de huitième génération. Et puis, l'entreprise américaine pouvait compter sur les quelque 80 millions de Xbox 360 écoulées dans le monde depuis dix ans pour imposer sa Xbox One (compatible avec les jeux de l'ancienne version).
- Le péché originel du tout-connecté. La nouvelle venue lancée en novembre 2013 a connu des débuts plutôt catastrophiques. Et pour cause. En déballant sa nouvelle console, le joueur s'est vite rendu compte qu'il était impossible de faire une partie de Grand Theft Auto V ou de Halo sans connexion Internet. L'idée de Microsoft était en effet de placer le «cloud» au centre du concept de sa Xbox One, bref, d'en faire un terminal 100 % connecté pour donner l'entière priorité au jeu téléchargé. Objectif : empêcher le piratage, mais aussi l'utilisation des jeux d'occasion non enregistrés sur sa plateforme Xbox Live. Cette stratégie purement mercantile est très mal passée auprès des communautés de joueurs qui ont estimé à juste titre leurs droits de consommateurs totalement bafoués. Et Sony en a logiquement profité : lors de l'E3 2013 - la grand-messe annuelle du jeu vidéo à Los Angeles qui a précédé le lancement des deux consoles -, le japonais ne s'est pas privé de claironner que sa PlayStation 4 pourrait lire les jeux d'occase. Standing ovation dans la salle.
- Un rétropédalage qui ne convainc pas. Face à la levée de bouclier des gamers, Microsoft a rapidement fait marche arrière et abandonné cette stratégie, rendant aux joueurs le droit de jouer avec ou sans connexion. Mais le mal était fait et cette communication désastreuse a continué d'agir comme un boulet pour l'image de la marque. Ajoutons à cela une concurrence qui ne commet pas d'erreurs, une politique de relation avec les studios indépendants très critiquée, et la Xbox One s'est retrouvée en bien mauvaise posture face à la PlayStation 4. Aujourd'hui, la Xbox One parvient à exister essentiellement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où elle est battue par la PlayStation 4, mais reste tout de même dans la course. Dans les autres pays, c'est plus compliqué. En France, Microsoft a du s'offrir les services publicitaires de Zlatan Ibrahimovic, le joueur vedette du Paris Saint-Germain, pour booster sa console à la peine. Mais cela n'a pas suffi, et fin 2014, la Xbox One dépassait tout juste les 400 000 ventes contre plus d'un million pour la PS4. Et pourtant, la France est le pays d'Europe continentale où Microsoft s'en sort le mieux.
- Black-out sur les chiffres. La situation est telle que, dès le milieu de l'année 2014, Microsoft ne détaillait plus les ventes de sa Xbox One, préférant les cumuler avec les chiffres de sa console précédente, la Xbox 360. Ou comment maquiller ses mauvais résultats, mais sans effet sur le long terme : d'avril à juin 2015, par exemple, Microsoft annonçait avoir écoulé un total de 1,4 million de consoles dans le monde, quand Sony parlait de 3 millions pour sa seule PlayStation 4. Résultat, le géant américain a finalement décidé d'arrêter de publier le moindre chiffre pour sa Xbox One, empêchant une véritable comparaison au niveau mondial.
- Lara Croft pas assez aguicheuse. Symbole de ce déficit de popularité, le cas de Rise of the Tomb Raider, dernier jeu en date des prolifiques aventures de Lara Croft. A la surprise générale, l'éditeur de la saga Square Enix a accepté un accord d'exclusivité temporaire avec Microsoft, réservant le titre pour une année à la Xbox One. Mais la sanction a été cruelle : à peine 26 000 ventes la première semaine en France, de bonne source, quand le précédent opus faisait un démarrage à plus de 150 000 ventes. Même constat dans les autres pays, y compris aux Etats-Unis. Peu de temps après la publication de ces chiffres, Darrell Gallagher, responsable des jeux et studios occidentaux de l'éditeur Square Enix, quittait l'entreprise. C'est ce qui arrive quand on parie sur le mauvais cheval.