«On ne naît pas terroristes, on le devient. Même les assassins ont eu une histoire.» Partant de ce principe difficile à tenir - tenter de comprendre le mal absolu sans chercher à l'excuser -, Stéphane Bentura livre une enquête exceptionnelle et sans parti pris sur les trajectoires personnelles des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly. Pour cela, il est allé à la rencontre de ceux qui les ont croisés, aidés, aimés. Le destin de Saïd et Chérif Kouachi n'était pas forcément de finir, les armes à la main, dans une petite imprimerie de Seine-et-Marne. «C'est ma faute, je veux comprendre», se lamente leur oncle en voyant les images tournées après la tuerie de Charlie. Les frères Kouachi, c'est une vie qui ne cesse de basculer : orphelins de père, ils sont placés très jeunes dans un foyer du Limousin quand leur mère meurt à son tour. Les deux frères ne se ressemblent pas, Saïd est discret, doué pour la cuisine ; Chérif, plus turbulent, vivait dans l'illusion d'une carrière de footballeur. C'est à leur retour à Paris, à leur majorité, leurs rêves envolés, qu'ils vont prendre le chemin de la radicalité. Sans qu'on puisse l'expliquer totalement. Tout juste sait-on qu'ils vont croiser la filière des Buttes-Chaumont, cette bande de copains prêts à aller mourir en Irak, et surtout celle de Coulibaly, braqueur multirécidiviste. «Une force brute, mais quelqu'un d'intelligent avec une pensée structurée», se souvient Luc Bronner, actuel patron du Monde, qui avait rencontré Coulibaly quand celui-ci avait tourné un film clandestin sur les conditions de détention à Fleury-Mérogis. «C'est comme une défaite», regrette cette enseignante qui a connu Coulibaly durant son BEP. C'est bien ça qui ressort de ce film, lequel évite les pièges inhérents à ce genre d'exercices : un incroyable sentiment de défaite collective. Rien ne permet de comprendre complètement leur dérive, mais on mesure un peu mieux ce qui a manqué pour leur éviter cette impasse mortelle.
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