On sait pourquoi on aime autant le travail de David André (Une peine infinie, Chante ton bac d'abord…). A chaque fois, il sait trouver une manière sensible, à hauteur d'homme, pour parler de sujets, aussi graves soient-ils. Il sait prendre le temps, nous le donner, proposer un voyage dont on ne revient jamais tout à fait le même. C'est ce versant humain qu'il a une nouvelle fois choisi pour revenir sur les événements de Charlie, en donnant la parole à ceux qui survivent, ceux qui aujourd'hui doivent résister. Son récit se construit autour de onze témoignages qui racontent l'après, comment on continue de vivre, d'aimer, de se souvenir, de se battre. Onze témoins, victimes, proches ou collaborateurs, qui partent chacun d'un détail, d'un moment, d'un souvenir pour expliquer ce qu'ils ont perdu et ce qu'ils doivent regagner. On y croise Sigolène Vinson, épargnée par les tueurs, perdue devant le Radeau de la Méduse. On y entend Zineb El-Rhazoui affirmer combien il est important de ne pas capituler, ne pas raser les murs. On y écoute les parents de Charb parler avec fierté de ce fils qui voulait aller au bout de ses idées, qui ne voulait pas donner raison aux intégristes. On y visite le bureau de Wolinski que Maryse, son amour de toujours, a offert à un musée pour qu'il continue à vivre. On y pleure avec la femme de Tignous, qui cherche les mots pour parler à leurs enfants. On lève le poing avec Riss qui ne peut tirer un trait sur Charlie Hebdo «parce qu'on peut vivre sans Charlie, mais quand le danger est là, on se rend compte que c'est plus important qu'on ne l'imaginait». Très beau dans ses plans d'accompagnement, le film n'oublie pas de purs moments de silence, instants fragiles où les témoins se perdent dans le fil de leurs pensées, où un souvenir passe sur leur visage comme l'ombre d'un sourire auquel on ne peut plus se raccrocher.
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