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Libération
Coup de sang

Au «Daily Telegraph», sortez les mouchards !

Un détecteur de présence a été installé quelques heures sous tous les postes de la rédaction.
La Une du Daily Telegraph sur le scandale des écoutes, le 19 juillet 2011 à Paris. (Photo Miguel Medina . AFP)
publié le 12 janvier 2016 à 17h32
(mis à jour le 13 janvier 2016 à 9h45)

C'est un petit boîtier tout ce qu'il y a de plus discret, à fixer sous le bureau. Rien de bien méchant, en apparence, ne ressort sur la façade métallisée  : juste un petit module rond dont on se demande à quoi il peut bien servir. C'est la question que se sont posée, lundi ­en revenant du week-end, les journalistes du Daily Telegraph lorsqu'ils en ont trouvé sous tous les postes de la rédaction. Aucune ­information préalable de la part de leur direction, juste un nom sur l'objet : OccupEye. Un petit tour sur Google plus tard, et ils découvrent que ce sympathique bidule est un détecteur de présence connecté qui repère les mouvements et la chaleur pour faire remonter dans une jolie interface très fonctionnelle si un poste de travail est occupé ou non. D'un clic, il est alors possible de savoir si un journaliste s'est absenté, combien de temps a duré cette pause présumée, et le temps effectif moyen passé devant l'écran chaque jour de la semaine.

L'affaire, qui a, on le comprend, un poil chamboulé les salariés du quotidien britannique, a été révélée par le magazine en ligne Buzzfeed. L'un des journalistes a ainsi déclaré : ­«Jamais le fait d'aller faire caca sur mon temps de travail n'a autant ressemblé à un acte de rébellion.» Evidemment, les explications sont tombées sous la forme d'un mail après l'article de Buzzfeed : l'opération ­se limite à quatre semaines et vise la réduction des dépenses énergétiques sur les plateaux. On a dû zapper le passage sur la surveillance généralisée dans l'accord de la COP21. Finalement, face au tollé, les boîtiers ont disparu quatre heures plus tard.

Le plus choquant dans cette histoire, c’est que plusieurs personnes ont pu penser, dans une réunion lambda ou autour d’un café, que ce flicage intensif puisse passer inaperçu, voire être accepté en tant que geste écolo. Comme si la collecte massive de données personnelles était devenue si banale, qu’une de plus ou une de moins, finalement, quelle importance  ? Et ce qui est terrifiant, c’est que peut-être, d’ici cinq ou dix ans, ces personnes finiront par avoir raison.