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Commerce

Des milliards à gagner pour l’industrie française

Transports, traitement de l’eau, des déchets, énergie… Grâce aux avoirs débloqués après la levée des sanctions, l’Iran veut se moderniser. Airbus, Veolia, Total, PSA ou Renault sont sur les dents.
Le ministre iranien des Transports, Abbas Akhoundi, lors du sommet de l'aviation à Téhéran, le 24 janvier. (Photo AFP)
publié le 26 janvier 2016 à 19h51

«Celui qui attend la fortune est moins sûr de la rencontrer que celui qui va au-devant d'elle», dit un vieux proverbe persan. Les 130 patrons français qui se sont envolés le 20 septembre pour Téhéran avec le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl, ne sont pas allés en Iran pour cueillir des pistaches mais pour vendre leurs avions, leurs voitures et leur béton… Rien n'est jamais sûr, mais ils espèrent beaucoup de la visite officielle, ce mercredi à Paris, de Hassan Rohani : en l'occurrence, des contrats sonnants et trébuchants. Et de fait, le président iranien n'est pas venu les mains vides. Riche des avoirs débloqués par la levée des sanctions (quelque 100 milliards de dollars), la République islamique a bien l'intention de moderniser tout ce qui peut l'être.

Starting-blocks

A commencer par sa flotte vieillissante d'avions de ligne : le ministre iranien des Transports, Abbas Akhoundi, a fait miroiter dès dimanche un contrat de 20 milliards de dollars (18,5 milliards d'euros) à l'avionneur Airbus : «Lors de la visite en France du Président, le contrat pour l'achat de 114 Airbus sera signé», a annoncé Akhoundi dimanche. Et d'évoquer l'achat d'une quarantaine d'A320 et d'une quarantaine d'A330, sans oublier 16 long-courriers A350 dernier cri et 8 jumbos A380… Et tant qu'à faire, il commanderait aussi 40 ATR pour ses lignes intérieures. Chez Airbus, on garde évidemment le silence avant l'officialisation de cette commande. L'américain Boeing sera de toute façon de la partie (on parle de 100 avions), de même que le russe Sukhoi, le canadien Bombardier ou le brésilien Embraer. L'Iran a besoin de «400 avions long et moyen-courriers» et Airbus semble assuré d'emporter une partie de la mise car «la décision politique est prise», dit-on à Toulouse-Blagnac.

Les groupes de BTP et d’infrastructures comme Vinci (dont le vice-président, Yves Thibault de Silguy, menait la délégation patronale française en Iran), Bouygues, Eiffage ou Veolia sont aussi dans les starting-blocks : l’Iran doit reconstruire ou moderniser ses aéroports, ses routes, ses voies ferrées, ses usines de traitement d’eau et de déchets… Total, la dernière major pétrolière à avoir quitté le pays en 2008, veut y reprendre pied. Un «one-to-one» est d’ailleurs prévu à Paris entre son PDG, Patrick Pouyanné, et le président Rohani. Mais ce sont surtout les constructeurs automobiles qui espèrent revenir sur un marché de 1,5 million de véhicules par an. PSA, qui a commis l’erreur de vexer les Iraniens en quittant le pays en 2012, tente difficilement de renouer avec son partenaire Pars Khodro. Renault veut produire en Iran ses Logan et autres low-cost.

Frileuses

Mais pour relancer les exportations françaises vers l'Iran (qui ont chuté en dix ans de 4 milliards, à moins de 550 millions d'euros), les entreprises tricolores vont avoir besoin de garanties financières. Depuis l'amende de 9 milliards de dollars infligée en 2014 par la justice américaine à BNP Paribas pour violation de l'embargo, les banques françaises sont plus que frileuses. Aussi, la Coface pourrait être appelée à rétablir son assurance crédit aux entreprises qui commercent avec l'Iran. Mais «il y a le risque d'un rétablissement des sanctions avec la clause dite de "snap-back" si Téhéran ne respecte pas le deal nucléaire et celui d'une guerre avec l'Arabie Saoudite, note le conseiller d'un boss du CAC 40. Alors tout le monde y va car il faut y être, mais la marche arrière est prête à être enclenchée».