Le jeudi 11 février, les scientifiques des projets Ligo et Virgo ont annoncé la première détection d'ondes gravitationnelles, prédites par Albert Einstein dans la théorie de la relativité générale. Une découverte qui ouvre une nouvelle fenêtre sur l'astronomie, l'astronomie gravitationnelle. Ils ont également observé à cette occasion la coalescence de deux trous noirs. Marc Lachièze-Rey, directeur de recherche au laboratoire Astroparticule et Cosmologie de l'Université Paris-VII, auteur de Einstein à la plage: la relativité dans un transat (Dunod, 2015) revient sur ces découvertes et leurs implications.
Comment les découvertes de jeudi s’articulent-elles avec les découvertes d’Albert Einstein ?
Albert Einstein avait prédit l’existence des ondes gravitationnelles, avant de revenir sur sa prédiction puis de finalement la confirmer en 1916. Car si la théorie de la relativité est vraie, l’existence des ondes gravitationnelles est obligatoire. L’observation de jeudi est donc une confirmation de la théorie de la relativité générale avec une précision plus grande qu’avant et dans un domaine plus intéressant.
En effet, jusqu’à aujourd’hui, on a testé la théorie dans le système solaire ou avec le pulsar binaire PSR B1913+16. Grâce à la découverte, on la teste dans un champ gravitationnel extrême, un trou noir binaire. En plus, les calculs réalisés grâce à cette détection confirment la théorie avec une précision supérieure à celle qu’on avait pour le pulsar. A la suite de leurs observations, les chercheurs de l’équipe Ligo ont essayé de tester les théories différentes de celle de la relativité générale mais aucune n’a fait mieux qu’Einstein.
Parmi les différentes découvertes liées à cette observation, que peut-on retenir ?
La vraie surprise de cette découverte, c’est la première vraie preuve de l’existence des trous noirs. Jusqu’ici, certains chercheurs pouvaient avoir des doutes sur ces astres. Jusqu’à aujourd’hui, il y avait des preuves indirectes. Mais l’onde observée permet de savoir qu’elle provient de la rencontre de deux trous noirs, prouvant par là même leur existence.
Les trous noirs n’existaient que sur le papier, même longtemps après la mort d’Einstein. C’étaient des solutions de la relativité générale qui pouvaient s’interpréter comme telles. Mais ce n’est pas parce que des solutions mathématiques existent qu’elles ont forcément une correspondance dans le monde réel. Mathématiquement, par exemple, les voyages dans le temps peuvent être concevables, mais concrètement, c’est beaucoup plus compliqué. Concernant les trous noirs, après cette découverte, le consensus va s’agrandir. Leur existence a été confirmée à un degré supplémentaire.
On a parlé de la naissance de l’astronomie gravitationnelle, quelle est son importance ?
Les ondes gravitationnelles donnent de nouvelles informations. Le fait qu’on ait pu observer des trous noirs aussi massifs prouve que la découverte de jeudi, indépendamment de la vérification de la relativité, ouvre un nouveau champ de l’astrophysique. Les deux trous noirs observés avaient une masse équivalant à 30 fois celle du Soleil. C’est une surprise de plus, on ne s’attendait pas à ce que de tels trous noirs soient faciles à former, ni qu’on puisse si facilement les observer.
Il faudra expliquer leur formation, notamment parce que des étoiles aussi massives ne peuvent se former que dans des régions où il y a très peu de métaux. Et donc, du premier coup, non seulement on a prouvé l’existence des ondes gravitationnelles, mais on a aussi des résultats d’intérêts astrophysique évidents. Maintenant ça va être la déferlante.