Pourquoi ce référendum est-il impossible juridiquement, selon vous ?
Un référendum local ne peut être organisé par une collectivité territoriale (commune, département ou région) que sur un sujet relevant de sa compétence. Or ce n'est pas le cas pour le projet de construction de l'aéroport de Notre-Dame des Landes, puisque la décision a été prise par l'Etat. C'est lui qui a déclaré les travaux d'utilité publique, le sujet relève donc de sa compétence et non de celle d'une collectivité territoriale.
Ce serait la même chose dans le cas d'une consultation locale, qui, elle, n'aboutit pas à une décision, contrairement à un référendum, mais à un simple avis des électeurs. Là encore, il n'est pas certain qu'une collectivité puisse le faire sur un objet relevant de la compétence de l'Etat. L'ancien Ministre de l'Ecologie Philippe Martin avait essayé de le faire en 2005 au sujet des OGM, quand il présidait le conseil général du Gers. Mais la consultation locale n'avait pas pu avoir lieu, car la Cour administrative d'appel de Bordeaux avait jugé que celle-ci portait sur un projet de décision relevant de la compétence de l'Etat. Le texte qui permettrait d'organiser ce qu'a annoncé le Président de la République hier soir n'existe tout simplement pas aujourd'hui.
N’y aurait-il pas moyen de le créer ?
La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal avait demandé à l'ancien ministre et sénateur du Val-d'Oise Alain Richard de présider une Commission sur la démocratisation du dialogue environnemental. L'une des questions était notamment de savoir si on peut créer un outil juridique permettant d'organiser un référendum local sur un projet d'envergure nationale. Le rapport, remis à la Ministre en juin 2015, proposait d'organiser une nouvelle procédure de consultation locale des électeurs, organisée par l'Etat. Mais ce serait sur uniquement sur des projets «d'intérêt national» et non encore autorisés. Or l'aéroport de Notre-Dame des Landes est un projet d'intérêt national qui a déjà été autorisé. Et seul l'Etat peut trancher quant à l'avenir de ces autorisations.
Quoi qu’il arrive, l’Etat devra donc de toute façon mouiller la chemise ?
Absolument. On peut consulter qui on veut (d'ailleurs, si jamais référendum ou consultation il y avait, il resterait à en définir le périmètre, qui seraient les électeurs concernés, une question tout sauf anodine…), cela ne réglerait pas le problème. Car on reviendrait de toute façon à la case départ : dans tous les cas, c'est l'Etat qui doit trancher.
La vraie question est donc aujourd'hui de savoir si l'Etat veut revenir ou pas sur les autorisations qu'il a accordées dans le dossier Notre-Dame des Landes. En fait, je ne crois pas une seconde que ce projet se fera. Comme cela s'est passé pour Ecomouv' [une société privée initialement chargée de collecter l'écotaxe, avant que le gouvernement n'enterre celle-ci, ndlr], l'Etat finira à mon avis par indemniser les sociétés impliquées.
Pourquoi François Hollande a-t-il fait cette annonce hier, alors ?
C'est de la procrastination juridique, pour gagner du temps. Car voilà que se retrouvent dans le même gouvernement Jean-Marc Ayrault, le père du projet, et Emmanuelle Cosse, l'ex patronne d'EE-LV, le parti qui lui est le plus opposé. Pourtant, il faut vraiment, désormais, que l'Etat prenne ses responsabilités. Ce que Ségolène Royal a proposé me semble être une bonne solution : on peut imaginer qu'un organisme indépendant fasse un rapport sur les alternatives au projet, ce qui n'a jamais été fait jusqu'ici.
Avec le référendum, on ne fait que mettre de l'huile sur le feu, tout le monde se tapera dessus pendant des mois pour savoir comment le faire. Mais ce n'est que reculer pour mieux sauter, car un jour ou l'autre, l'Etat devra décider. Le problème, dans cette affaire, c'est qu'il s'agit d'une question de courage politique.