L'histoire était trop belle : Martin Shkreli, surnommé «l'homme le plus détesté des Etats-Unis», aurait été escroqué de 15 millions de dollars (13,5 millions d'euros). Ce jeune gestionnaire de hedge fund, spécialisé dans le rachat de brevets de médicaments, s'était rendu tristement célèbre en août après avoir augmenté de 5 000 % le prix du Daraprim, un traitement contre la toxoplasmose utilisé par des personnes porteuses du VIH. Plus récemment, il avait de nouveau fait parler de lui en achetant l'unique exemplaire d'un album secret du Wu Tang Clan. Bref, c'est le type qu'on adore haïr.
Shkreli, donc, aurait voulu acquérir au prix fort le nouvel album de Kanye West, The Life of Pablo, à condition que celui-ci ne soit pas commercialisé. Il serait passé par un prétendu intermédiaire, «Daquan», et lui aurait versé la somme en bitcoins, avant de réaliser qu'il s'était fait plumer. C'est ce qu'il a clamé lundi en une série de tweets furieux. Seulement, personne n'a trouvé trace du ou des versements, alors que l'historique des transactions en bitcoins est public. Shkreli prétend être entré en contact avec le mystérieux créateur de la cryptomonnaie, Satoshi Nakamoto - ce qu'aucun enquêteur chevronné n'a jamais réussi à faire -, lequel aurait accepté de l'aider à récupérer son argent, quand les transactions sont irréversibles. Quant à «Daquan», c'est un personnage fictif objet de blagues sur Twitter.
En résumé : il n'y a aucune preuve, et toutes les raisons de douter. Mais Martin Shkreli est à ce point le salaud idéal qu'en se mettant en scène comme une victime d'escroquerie, il s'est assuré, par la détestation même dont il fait l'objet, ce qu'il recherche le plus au monde : l'attention des réseaux et des médias. Une sage maxime de l'Internet encourage à ne pas «nourrir le troll». Peine perdue avec Shkreli : faire état de ses propos ou les mettre en doute, c'est parler de lui. Comme il l'a tweeté : «Je gagne toujours.»