T-shirt gris vite trempé de sueur, des bras plus musclés que dans notre souvenir, le milliardaire est interviewé par une journaliste du magazine américain Wired, qui commence cet entretien sans concession par une question choc: «Alors, Mark, qu'est-ce que ça fait d'être papa?» Passons sur la réponse («Je suis très fier», blablabla), sans grand intérêt. Le reste de l'intervention d'une petite heure est dans le même ton. Interrogé tel un oracle omniscient sur sa «vision», Zuck déroule son discours habituel sur tous les sujets, sans beaucoup de contradiction face à lui. La réalité virtuelle? Grâce à elle, Facebook continuera à «donner aux gens le moyen d'exprimer ce qu'ils sont ou ce dont ils se préoccupent». La vidéo? «Nous sommes passés d'un monde dominé par le texte à un monde dominé par l'image, et nous serons dans quelques années dans un monde où la majorité des contenus consommés en ligne seront des vidéos.» L'intelligence artificielle? Elle est «cruciale». Regardez comme elle nous permettra bientôt, promet le trentenaire, de bâtir des machines capables de détecter par reconnaissance d'image le cancer de la peau. N'est-ce pas «exciting», «great» et «amazing»?
«Je n’ai pas lancé Facebook comme une entreprise»
Ce qui aurait été bien aussi, c'est d'interroger Zuckerberg sur cette photo futuriste, où il se balade au milieu d'humains aveuglés par leurs casques de réalité virtuelle (prise la veille au soir à Barcelone). Ou sur le contournement fiscal systématique de Facebook, ou son emprise publicitaire, ou son utilisation massive des données privées. A ce propos, le patron de Facebook a d'ailleurs soutenu Apple dans son bras de fer sur le cryptage de l'iPhone. Il ne doit pas y avoir de «portes dérobées» sur les produits informatiques grand public, a-t-il expliqué.
Pas vraiment poussé dans ses retranchements, jamais pris en défaut, Zuckerberg s'est permis de faire la leçon aux opérateurs télécoms lorsqu'il en est venu à parler de son projet «Internet.org», dont le but modeste est de connecter à Internet le monde qui n'y a pas accès. Soit «quatre milliards de personnes», a-t-il rappelé, listant ses initiatives pour y arriver: lancement de satellites en Afrique, construction de drones de transmission, partenariats avec les télécoms, application Free Basics (récemment interdite en Inde)... «Il faut finir le boulot», a-t-il martelé, confiant sa «déception» de voir le salon de Barcelone s'agiter sur la 5G alors que la moitié de la planète n'a pas accès à internet. «Il ne faut pas seulement créer des connexions plus rapides pour les gens riches», a professé le néo-philanthrope. Dans l'affaire, son intérêt est évident: plus d'êtres humains connectés, c'est aussi plus d'êtres humains utilisant Facebook. Mais Zuckerberg le jure, il ne fait pas ça pour «gagner de l'argent», même s'il reconnaît par ailleurs que ce sera le cas. «Notre but est vraiment d'aider les gens à avoir accès à Internet. Beaucoup pensent que Facebook n'a rien à faire de quoi que ce soit. Mais je n'ai pas lancé Facebook comme une entreprise. Il s'agissait à l'origine de connecter les gens entre eux. C'est la même chose ici.» A Barcelone, tout le monde a applaudi.