C'est ce qu'on appelle une histoire folle. Le Parisien et l'Obs ont révélé mardi comment les policiers chargés d'enquêter sur les attentats du 13 Novembre, aiguillés par les antennes relais de téléphonie mobile, avaient suivi, durant plusieurs semaines, la (fausse) piste d'un commando terroriste supplémentaire. Les coïncidences semblent, il est vrai, ahurissantes. Le jour des attaques, peu avant les explosions kamikazes au Stade de France, un téléphone belge «borne» - il émet un signal capté par des antennes-relais - à proximité du lieu. On le retrouve par la suite, accompagné d'un téléphone français, dans Paris, près de la Belle Equipe, puis du Comptoir Voltaire. Enfin, à 22 h 08, les deux téléphones «bornent» cette fois à Barbès, là où Salah Abdeslam achète une puce de téléphone portable… Et ce n'est pas fini : le téléphone belge avait, en prime, un contact commun avec Jawad Bendaoud, le désormais fameux «logeur» d'Abdelhamid Abaaoud à Saint-Denis. Pourtant, la piste va s'éteindre. L'un des téléphones appartenait à une jeune femme connue de la police belge pour des faits de prostitution. Finalement convoquée, celle-ci expliquera être venue passer un week-end à Paris avec un homme vivant dans le XVIIIe arrondissement, lequel confirmera ses dires.
Rien d'étonnant à ce que les enquêteurs, compte tenu des éléments en leur possession, aient suivi cette piste, tant l'accumulation de coïncidences paraît improbable. Et c'est bien, in fine, la surveillance humaine menée en France et en Belgique qui a permis de l'écarter. Mais à tout le moins, l'affaire rappelle que même avec les «métadonnées» - qui communique avec qui, quand et où - les plus accusatrices en apparence, on n'est jamais à l'abri d'un «faux positif». Et que rien ne remplace l'analyse, comme le rappelait récemment dans nos colonnes un ancien agent de la DGSE. De quoi s'interroger, du coup, sur la faiblesse de certains éléments des «notes blanches» (documents anonymes, parfois non étayés, utilisés par l'Intérieur) ayant motivé des assignations à résidence (ainsi d'Halim A., repéré en train de téléphoner à proximité du domicile d'une personnalité protégée alors qu'il sortait de chez sa mère et appelait son épouse). Et de quoi questionner la doctrine de la traque aux «signaux faibles» qui a présidé à certains passages de la loi renseignement. Car combien de «faux positifs» dans la masse de données désormais légalement accessibles aux services, hors enquête judiciaire ? Pour quelle analyse, et avec quel contrôle ?