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Libération
Interview

Yannick Jadot : «On arrive au bout de la logique productiviste»

L’eurodéputé écologiste Yannick Jadot critique la ligne défendue par la FNSEA et appelle à une solidarité entre les différentes filières agricoles françaises.
publié le 28 février 2016 à 20h11

Yannick Jadot est député européen. Economiste de formation, ce membre d’Europe Ecologie-les Verts en appelle à une régulation de Bruxelles face à la crise de l’élevage en France, mais aussi en Europe.

Après avoir pris des mesures nationales d’aides financières d’envergure, François Hollande se tourne vers Bruxelles. A-t-il trop attendu ?

Oui. Il était nécessaire d’exiger la remise en place d’outils de gestion de la production. Le problème est qu’en 2008, sous la pression des libéraux européens et de la profession agricole la plus productiviste qui pensait faire beaucoup d’argent sur les marchés internationaux, la France a participé à la casse des outils de gestion de la production, sur les viandes comme sur le lait.

C’est aujourd’hui vers ces mécanismes qu’il faut retourner. Dans l’immédiat, il faut utiliser tous les outils permettant de stocker un temps les productions pour faire remonter les prix des marchés.

Comment la France peut-elle intervenir à Bruxelles ?

Le pays perçoit 9 milliards d’euros de la PAC chaque année. Il a la possibilité d’engager un plan en partie consacré à la conversion d’outils deproduction vers d’autres à valeur ajoutée.

De quelle marge de manœuvre dispose l’UE ?

Elle s’est mise dans une position délicate en mettant en place un système qui laisse les marchés internationaux jouer librement. Nous avons ouvert nos marchés à la concurrence. Quand on défend cette logique des plus gros, on ne peut pas en même temps fermer le marché pour le protéger. Si l’UE ne tente pas de réinstaller d’urgence des outils de contrôle de la production, cela va être de plus en plus compliqué. Il faut absolument aller vers des prix supportables en favorisant les contrats de rémunération entre les différents acteurs des filières.

Vous faites donc le constat de la faillite productiviste européenne…

Oui. Nous sommes au bout de la logique productiviste qui prévaut chez Xavier Beulin, le patron de la FNSEA, en jouant le marché international avec la promesse de se faire des bourses en or. Tous les éleveurs, y compris les plus petits, ont été poussés à investir, avec les prêts bonifiés, etc. Résultat, on se retrouve dans un système au fond du trou. Là où la France peut intervenir, c’est au niveau de la solidarité entre les filières. Il faut se souvenir que Xavier Beulin, quand il est arrivé à la tête de la FNSEA, a dit qu’il allait organiser une solidarité entre céréaliers et éleveurs. Il ne l’a jamais fait. C’est quelque chose qui peut être mis en place facilement et rapidement.