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Astronomie

Record battu : Hubble a observé la plus lointaine galaxie connue

La découverte de GN-z11, née il y a 13,4 milliards d’années, a été officialisée jeudi. Son étude permet de mieux comprendre la formation des premières galaxies dans la jeunesse de notre univers.
GN-z11, la plus lointaine et la plus vieille galaxie photographiée à ce jour, par l'équipe du télescope Hubble en mars 2016. (Photo NASA, ESA, Oesch (Yale), Brammer (STScI), van Dokkum (Yale), Illingworth (U of California))
publié le 6 mars 2016 à 13h48
(mis à jour le 6 mars 2016 à 14h37)

Elle ressemble à un gros microbe de dessin animé, mais elle aimerait qu'on lui montre un peu de respect : GN-z11 est la plus ancienne et la plus lointaine galaxie que l'on ait vue à ce jour. Dévoilée jeudi par l'équipe d'astronomes qui l'a découverte, elle est née il y a 13,4 milliards d'années.

La performance technique va «au-delà de ce qu'on pouvait espérer avec Hubble», le télescope spatial qui a récemment fêté ses 25 ans de carrière. Avant d'être supplanté par un nouvel engin plus puissant en 2019, ce bon vieux Hubble a prouvé qu'il a encore de la ressource. L'astronome américain Gabriel Brammer du STScI (Institut des sciences du télescope spatial) estime que le cliché de GN-z11 était «juste à la distance limite de ce que Hubble peut observer».

Age et distance des objets observés dans l’espace sont directement liés, car, c’est connu, leur lumière voyage à une vitesse finie (300 000 kilomètres par seconde). Plus un objet est lointain, plus sa lumière met du temps à venir percuter notre œil. En l’occurrence, les photons émis dans la galaxie GN-z11 ont mis 13,4 milliards d’années à nous atteindre. Nous voyons GN-z11 non dans son état actuel, mais telle qu’elle était il y a 13,4 milliards d’années.

Préhistoire cosmique

A ce niveau-là de la préhistoire cosmique, on se rapproche dangereusement du big-bang : ce sont les tout premiers développements de l'univers. A l'époque figée sur ce cliché, «l'univers n'avait que 3% de son âge actuel», explique Pascal Oesch, de l'université de Yale. Les informations récoltées grâce à GN-z11 sont donc très précieuses pour comprendre comment la «soupe» cosmique primitive s'est agglomérée en grumeaux pour commencer à produire ses premières galaxies.

Garth Illingworth, de l'université de Californie, trouve «incroyable qu'une galaxie si massive existe seulement 200 à 300 millions d'années après que les toutes premières étoiles ont commencé à se former. Il a fallu une croissance très rapide, une production d'étoiles à un rythme très soutenu, pour donner forme si tôt à une galaxie d'un milliard de masses solaires.» Mais tout est relatif : la galaxie n'est grosse que pour son époque. En combinant ce cliché avec une photo du télescope spatial Spitzer, l'équipe d'astronomes estime que GN-z11 (qui habite dans la constellation de la Grande Ourse) est 25 fois plus petite que notre Voie lactée, et pèse cent fois moins lourd. Mais elle grossit vite : elle devait produire des étoiles 20 fois plus rapidement que nous aujourd'hui.

Pour mesurer la distance d'une galaxie, et donc son âge, les astronomes décomposent sa lumière telle qu'elle nous arrive. Les couleurs de son spectre lumineux et ses raies spectrales sont très différentes de ce qu'elles seraient si la galaxie était notre voisine : elles tirent davantage vers les grandes longueurs d'onde, du côté rouge de l'arc-en-ciel. Ce phénomène appelé «décalage vers le rouge», redshift en anglais, prouve que la galaxie qui émet cette lumière s'éloigne de nous… et donc que l'univers est en expansion !

Voir plus loin encore

L'astronome américain Edwin Hubble (qui a donné son nom au télescope spatial) l'a montré en 1929 et énoncé cette loi : plus la galaxie est lointaine, plus elle s'éloigne vite, et plus son décalage vers le rouge est important. La relation est proportionnelle. Il est donc possible, aujourd'hui, de mesurer la distance d'une galaxie lointaine d'après son décalage vers le rouge. GN-z11 est à 32 milliards d'années-lumière d'ici (et non à 13,4 milliards d'années-lumière, car l'univers étant en expansion, elle a eu le temps de bien s'éloigner depuis l'émission de la lumière que nous avons captée).

La précédente détentrice du record de la plus vieille galaxie culminait à 13,2 milliards d'années – on est donc remonté 200 millions d'années supplémentaires dans le temps. Il est probable que le nouveau record, s'il est confirmé, tiendra quelques années et sera le dernier détenu par Hubble. Son successeur, le James Webb Space Telescope, sera un spécialiste des lumières infrarouges et pourra voir plus loin encore.