Cette fois-ci, Lee Sedol jouait avec les pierres blanches, AlphaGo avec les noires. La partie, qui a duré une heure de plus que mercredi, fut encore une fois très serrée jusqu'au dernier moment. Mais surtout, l'ordinateur a de nouveau joué des coups inattendus qui ont laissé les observateurs perplexes. « Des coups innovants, en apparence dangereux mais qui se sont avérés efficaces», a analysé le commentateur Michael Redmond.
«Hier, j'étais très surpris. Aujourd'hui, je suis sans voix. C'est une défaite sans appel. AlphaGo a joué un match parfait», a déclaré Lee Sedol au sortir du match. Alors qu'il approchait de la fin du temps qui lui était imparti et que le compte à rebours final avait démarré (chaque joueur dispose de deux heures de jeu, puis de trois fois une minute), le prodige a commencé à montrer des signes de nervosité. AlphaGo, lui, «a pris de la confiance au fil du jeu. Il avait l'air de comprendre ce qui se passait», a raconté Demis Hassabis, le cofondateur de DeepMind.
«Un jeu profondément humain»
La sœur du champion, Lee Sena, suivait attentivement le jeu au milieu des journalistes regroupés dans le grand hôtel du centre de Séoul où se déroulait la rencontre. Joueuse amatrice (6e dan) de 40 ans, elle semblait avoir du mal à encaisser le choc une fois la partie terminée. «L'ordinateur est très très fort. Lee Sedol, comme tout le monde, avait sous-estimé ses capacités.» «Ce match est important parce que s'il perd, cela risque de beaucoup affecter ses émotions», prédisait-elle alors que la partie était encore en cours. Comme pour se rassurer, Lee Sena ajoute que la machine n'a encore percé tous les aspects du jeu. «Même si l'ordinateur remporte le match la semaine prochaine, il ne comprendra jamais les côtés merveilleux et mystérieux du jeu de go. Si la machine parvenait à maîtriser ces aspects-là, ce serait triste.»
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En écho à ces paroles, HR Lee, spécialiste du go pour le grand quotidien conservateur Chosun Ilbo, se montrait encore incrédule ce jeudi : «En Asie, le go fait partie de notre histoire depuis des millénaires. Nous ne pouvons donc le voir autrement que comme un jeu profondément humain. Il est difficile pour nous d'imaginer que Lee Sedol peut s'incliner. A l'inverse, j'imagine qu'en Occident tout le monde a les yeux tournés vers AlphaGo et espère qu'il va gagner. C'est peut-être une façon différente de voir l'homme et la machine.» La victoire d'AlphaGo le renvoie dix-neuf ans en arrière, quand il avait couvert le sacre de Deep Blue face à Kasparov. «C'est tout bonnement le même choc ! s'exclame-t-il. Mais cette fois, l'enjeu est plus grand.»