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Astronomie

ExoMars s’envole pour pouvoir atterrir

Mars, dans les traces des robots dossier
Les deux premiers engins de la mission européenne ont décollé ce matin de Baïkonour : un satellite chargé de détecter du méthane dans l’atmosphère martienne, et un module permettant de tester un atterrissage sur la planète rouge.
La mission ExoMars a envoyé ce matin vers Mars un satellite et un atterrisseur. (Image ESA)
publié le 14 mars 2016 à 15h09

Il était 10h31 ce matin, heure française, quand la fusée russe Proton a décollé de sa base à Baïkonour (Kazakhstan). Tout s’est bien passé. Les réservoirs de carburant se sont progressivement vidés pour arracher la fusée à l’attraction terrestre ; ses étages se détachent l’un après l’autre. Ce soir, à 21h26, les derniers morceaux se désolidariseront pour laisser seuls, dans l’espace, les deux engins qui forment la mission européenne Exomars : un satellite spécialiste des gaz, et un atterrisseur. Leur voyage durera sept mois jusqu’à la planète Mars, où ils se mettront au boulot. Et encore, ce n’est que la première partie de cette vaste mission d’exploration : en 2018, ils seront rejoints par un petit rover à la bouille de Wall-E chargé d’étudier le sol martien.

Il n'y a pas de raison, après tout, que les Américains monopolisent l'espace martien. Ils y contrôlent actuellement la sonde Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), qui cartographie la planète rouge depuis 2006 et nous inonde de magnifiques photos couleur et haute définition, ou encore le satellite Maven, qui cherche à comprendre pourquoi il n'y a presque plus d'atmosphère sur Mars. Au sol, la Nasa a posé le célèbre rover Curiosity en 2012, et télécommande toujours son aîné Opportunity, qui a soufflé ses douze bougies et tient encore la grande forme.

Forts de leur expérience, les Américains devaient initialement donner un coup de pouce à l’Agence spatiale européenne (Esa) pour lui permettre de maîtriser aussi les techniques d’atterrissage sur Mars. La Nasa devait fournir ses fusées pour lancer les engins d’Exomars, participer à la construction du satellite et faire atterrir le rover. Mais elle a tout laissé tomber pour cause de restrictions budgétaires. Heureusement, l’Esa a réussi à nouer en 2012 un nouveau partenariat avec Roscosmos, l’agence spatiale russe, pour garantir son ambitieuse mission.

Le satellite

Le satellite TGO et l’atterrisseur de la mission ExoMars. Modélisation ESA-AOES Medialab

Dans la fusée russe lancée ce matin, il y a donc deux bestioles : le satellite TGO, pour Trace Gas Orbiter, et l'atterrisseur Schiaparelli. Le premier est chargé de mesurer précisément la composition de l'atmosphère martienne, notamment pour y détecter des traces de méthane et d'autres gaz rares. Car qui dit méthane… dit peut-être activité biologique. De la vie, quoi ! Sur Terre, 90% du méthane présent dans l'air est produit par des organismes vivants.

«Le méthane est un gaz dont la durée de vie est brève à l'échelle géologique, et sa présence nécessite une source active qui pourrait être biologique», rappelle le Centre national d'études spatiales (Cnes). La présence de méthane n'est plus une supposition hasardeuse ou un espoir fou d'exobiologistes : «Les précédentes missions martiennes ont détecté que du méthane était présent dans l'atmosphère avec des concentrations variant dans le temps et selon le lieu.» C'était par exemple l'une des conclusions de la mission européenne Mars Express, dont le satellite est toujours en orbite martienne à l'heure actuelle mais qui n'est pas assez sensible pour approfondir l'enquête.

Si ce ne sont pas des microbes qui produisent le méthane, il faudra conclure que c’est l’activité géologique de la planète. Mars possède de bien beaux volcans, dont le plus massif, Olympus Mons, culmine tout de même à 27 000 mètres d’altitude. Pour ce que l’on sait, il est éteint. Mais depuis quelques millions d’années seulement… On a peut-être raté quelques grondements volcaniques discrets sur la planète rouge.

L’atterrisseur

Image ESA

Comme son nom l'indique, l'atterrisseur qui accompagne le satellite TGO a pour unique job… d'atterrir sur Mars (et non, on ne dit pas «amarsir» !). Juste pour prouver qu'on arrive à le faire, qu'on en maîtrise toutes les subtilités, et qu'on pourra reproduire l'exercice quand il y aura un véritable enjeu en 2018, en amenant le rover d'ExoMars à bon port sans l'écraser sur le sol martien comme une vulgaire météorite. On se souvient du barouf qu'avait fait la Nasa quand son Curiosity s'était posé en août 2012, autour de ces «sept minutes de la terreur» où s'enchaîne tout une série de manœuvres, et où la moindre défaillance technique peut foutre en l'air la mission et quelques milliards de dollars. Une petite simulation grandeur nature ne fera donc pas de mal à ExoMars.

L’atterrisseur Schiaparelli en phase d’entrée dans l’atmosphère martienne. Modélisation ESA

C'est pour ça que sur sa carte d'identité, l'atterrisseur s'appelle en réalité «Module démonstrateur d'entrée, descente et atterrissage» (EDM). Mais entre amis, il préfère qu'on l'appelle Schiaparelli, un hommage à l'astronome italien du XIXe siècle (né un 14 mars) connu pour avoir repéré des formations rectilignes à la surface de Mars, qu'il a appelées «canaux» et qui ont déchaîné l'imagination d'une bonne partie des Terriens quant à leur éventuelle origine artificielle.

Fin octobre, Schiaparelli commencera donc par encaisser avec un bouclier thermique la chaleur dégagée par l’arrivée à grande vitesse de ses 600 kg dans l’atmosphère martienne. Il déploiera ensuite un parachute géant – 12 mètres de large –, bien plus imposant que celui dont il aurait eu besoin sur Terre, car l’atmosphère martienne est ténue.

L’atterrisseur Schiaparelli en phase de descente. Modélisation ESA

Enfin, il déclenchera son «système en boucle fermée de guidage, navigation et contrôle basé sur un capteur radar altimètre Doppler ainsi que des unités de mesure inertielle à bord» pour parcourir les derniers mètres qui le séparent de la surface. En français, ça veut dire qu'il en mesurera constamment sa vitesse et son altitude pour guider en mode automatique l'allumage par intermittence de ses 9 rétrofusées, et freiner de manière entièrement contrôlée jusqu'au contact du sol. Il est impossible de lui donner un coup de main depuis la Terre : vu qu'il faut quinze minutes de délai pour communiquer entre les deux planètes, l'atterrisseur devra se débrouiller tout seul.

Schiaparelli en phase d’atterrissage. Modélisation ESA

L’arrivée sur Mars de nos explorateurs européens est prévue le 19 octobre.