Il était 10 h 31 lundi matin, heure française, quand la fusée russe Proton a décollé de sa base à Baïkonour (Kazakhstan). Tout s’est bien passé. Les réservoirs de carburant se sont progressivement vidés pour arracher la fusée à l’attraction terrestre ; ses étages se sont détachés l’un après l’autre. A 21 h 26, les derniers morceaux devaient se désolidariser pour laisser seuls, dans l’espace, les deux engins qui forment la mission européenne ExoMars : un satellite spécialiste des gaz et un atterrisseur. Leur voyage durera sept mois jusqu’à la planète Mars, où ils se mettront au boulot. Et encore, ce n’est que la première partie de cette vaste mission d’exploration : en 2018, ils seront rejoints par un rover à la bouille de Wall-E, chargé d’étudier le sol martien.
Il n’y a pas de raison, après tout, que les Américains monopolisent l’espace martien. Ils y contrôlent actuellement la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, qui cartographie la planète rouge depuis 2006, et, au sol, la Nasa a posé le célèbre rover Curiosity en 2012 et télécommande toujours son aîné Opportunity, qui a soufflé ses douze bougies et tient encore la grande forme. Forts de leur expérience, les Américains devaient initialement donner un coup de pouce à l’Agence spatiale européenne (ESA) pour lui permettre de maîtriser aussi les techniques d’atterrissage sur Mars. Mais elle a tout laissé tomber pour cause de restrictions budgétaires. Heureusement, l’ESA a réussi à nouer en 2012 un nouveau partenariat avec Roscosmos, l’agence spatiale russe, pour garantir son ambitieuse mission.
Dans la fusée russe lancée lundi matin, il y a donc deux bestioles : le satellite TGO, pour Trace Gas Orbiter, et l'atterrisseur Schiaparelli, du nom de l'astronome italien du XIXe siècle connu pour avoir repéré des formations rectilignes à la surface de Mars. Le premier est chargé de mesurer précisément la composition de l'atmosphère martienne, notamment pour y détecter des traces de méthane et d'autres gaz rares. Car qui dit méthane dit peut-être activité biologique. De la vie, quoi !
L’atterrisseur Schiaparelli a, lui, pour unique job d’atterrir sur Mars. Juste pour prouver qu’on arrive à le faire, qu’on en maîtrise toutes les subtilités et qu’on pourra reproduire l’exercice quand il y aura un véritable enjeu en 2018, en amenant le rover d’ExoMars à bon port sans l’écraser sur le sol martien comme une vulgaire météorite. Il est impossible de lui donner un coup de main depuis la Terre : vu qu’il faut quinze minutes de délai pour communiquer entre les deux planètes, l’atterrisseur devra se débrouiller tout seul. L’arrivée sur Mars de nos explorateurs européens est prévue le 19 octobre.