«Il faut de l'argent, même pour se passer d'argent», écrivait Honoré de Balzac en 1832. L'antilogie n'a pas échappé aux banquiers d'aujourd'hui. Grands argentiers et géants du Net préparent activement la disparition de la monnaie physique telle que nous la connaissons depuis le premier electrum frappé par le roi de Lydie. Et de toutes les révolutions de l'ère numérique, c'est l'une des plus formidables et des plus redoutables. La dématérialisation de l'argent au profit d'un paiement invisible par smartphone, voire d'une minipuce sans contact directement greffée sous la peau ? C'est déjà demain en Suède, pays des espèces en voie de disparition. Bientôt, on ne fera plus chauffer sa CB. Dans certains coffee shops de San Francisco, il suffit de dire à voix haute «I will pay with Google» pour être débité sans y penser. Invisible, l'argent va pour le coup devenir vraiment liquide. «Ubercool !» diront ceux qui n'en manquent jamais. Pour les plus fragiles, les exclus du paiement digitalisé, c'est une autre histoire : demain, on risque de leur refuser l'accès aux centres commerciaux, aux gares, au cœur de ville… comme dans le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley. Alors on n'a rien contre le «zéro cash». Mais seulement si cette nouvelle modernité n'érige pas un autre mur invisible de l'argent, plus haut que tous ceux qui l'ont précédé.
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