Officiellement, ce serrage de vis répond à une stratégie de recentrage vers l'audiovisuel, un secteur bien plus florissant à l'époque du tout-écran et de la fiction reine. Editrice de la chaîne Gulli, l'entreprise ne jure plus que par la production, dont elle est déjà une grosse actrice en France, avec Lagardère Studios (C dans l'air, Joséphine Ange gardien, Borgia…). Elle tente de développer ce métier à l'étranger. L'an dernier, elle a racheté Boomerang, une boîte de production espagnole. Une première étape, d'après ses dirigeants. Cette politique se fait au détriment de la presse, activité historique du groupe qui ne représente plus que 41 % du chiffre d'affaires de sa branche médias. Soit une paille de moins de 400 millions d'euros, contre 2 milliards d'euros quand Arnaud Lagardère a repris, en 2003, l'empire bâti par son père, Jean-Luc, et par Daniel Filipacchi, qui était à l'époque le premier éditeur mondial de magazines. A l'évidence, l'héritier ne croit pas que ce marché ait un avenir, et la tendance générale n'a pas vraiment de quoi lui donner tort. Alors, il liquide.
Ces dix dernières années, il a commencé par céder ses titres régionaux, en 2007, puis ses 102 éditions internationales, en 2011, et enfin une dizaine de magazines, en 2014. Récemment, il a cherché à se séparer de Télé 7 Jours, France Dimanche et Ici Paris - sans succès. Mais «il ne vendra pas le périmètre sacré composé de Paris Match, Elle et le Journal du dimanche», assure un proche. Ces marques seraient pleines de potentiel. Dans le groupe, personne ne croit à cette promesse. «Il se désengage de la presse», résume Mariana Sanchez, déléguée SNJ-CGT. Les suppressions de postes annoncées ne disent pas vraiment la volonté de développer les titres. Au contraire. «Bien sûr qu'il va les vendre, réagit un ancien cadre de la maison. Il avait aussi promis de ne pas céder les éditions internationales.» Arnaud Lagardère est encouragé dans cette voie par les résultats financiers. Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce plan de départs volontaires, ils sont bons. Porté par l'audiovisuel, le chiffre d'affaires de Lagardère Active a augmenté en 2015, pour terminer à 962 millions d'euros. La rentabilité opérationnelle a, elle aussi, progressé, pour s'établir à 8,2 % des revenus (soit 79 millions d'euros). Oui, la filiale est rentable. Au fil des plans économiques et des cessions de journaux, la marge a quasiment doublé depuis qu'elle était tombée à 4,6 % en 2010.