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Dix-sept ans à la tête d'Axa et puis s'en va

Patron du deuxième assureur européen, Henri de Castries a annoncé lundi qu'il quitterait l'entreprise le 1er septembre. Devenu administrateur de HSBC, la City londonienne suppute son arrivée à la tête du géant bancaire britannique secoué par de nombreux scandales.
Henri de Castries, le 25 février 2015 à Paris, quittera la direction d'Axa en septembre après dix-sept ans de service. (Eric Piermont. AFP)
publié le 21 mars 2016 à 19h00

A 61 ans, Henri de Castries tire sa révérence chez Axa. Après dix-sept ans passés à la tête du géant français de l'assurance, cet ancien condisciple et compagnon de chambrée de François Hollande à l'ENA quittera ses fonctions le 1er septembre prochain. Le PDG du numéro 2 européen de l'assurance, dont le chiffre d'affaires frôle désormais les 100 milliards d'euros, a expliqué dans une lettre aux 166 000 collaborateurs du groupe que son choix avait été «mûrement réfléchi» et qu'il considérait que le groupe, «qui n'a jamais été aussi en forme», se trouvait «au meilleur moment» pour un passage de témoin. «Il est naturel qu'une nouvelle équipe lance et porte le nouveau plan stratégique que nous présenterons en juin prochain» et qui devrait définir la transformation numérique – déjà engagée – du groupe, a-t-il expliqué.

Cet ancien haut fonctionnaire et inspecteur des finances recruté par le fondateur d’Axa, Claude Bébéar, qui l’avait alors qualifié de «bon gestionnaire», sera remplacé par un tandem à la tête de l’entreprise où les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général vont être dissociées. L’Allemand Thomas Buberl, jusqu’ici directeur général d’Axa Allemagne, va hériter de la direction opérationnelle du groupe, tandis que le Français Denis Duverne, 62 ans, administrateur et directeur général délégué, deviendra président non exécutif.

Sous-capitalisation

Selon le journal dominical britannique Sunday Times, l'influent patron, réputé pour son entregent politique, serait favori pour prendre la tête de la banque anglo-hongkongaise HSBC. Henri de Castries en est devenu administrateur le 1er mars, et le géant bancaire britannique vient tout juste d'entamer le processus de succession de son patron, Douglas Flint. Il a débuté dimanche 20 mars, à la veille de l'annonce du départ du PDG d'Axa. «Pure spéculation», indique-t-on chez HSBC, tandis que l'intéressé reste prudent, sans fermer la porte. «Oui, je rentre [au] conseil d'administration de HSBC pour être administrateur, a-t-il expliqué lundi, pour le reste, il ne faut pas transformer une coïncidence de date en événement.»

Lorsqu’il a pris la tête du conseil d’administration d’Axa en 2000, l’assureur réalisait un chiffre d’affaires de 80 milliards d’euros pour 64 milliards de capitalisation boursière. Seize ans plus tard, ses revenus atteignent 99 milliards d’euros (+24%) tandis que la valeur de l’entreprise a reculé de 17%, à 53 milliards. Henri de Castries peut se targuer d’avoir atteint les objectifs du dernier plan stratégique 2011-2015, marqué par un fort développement de l’assureur dans les pays émergents (Chine, Nigeria, Egypte, etc.), qui représente désormais 17% de l’activité du groupe. Bénéficiant largement d’un effet de change positif sur ses marchés hors zone euro, l’assureur a dégagé un bénéfice en forte hausse, de 12%, l’an dernier, à 5,61 milliards d’euros, record historique. Un motif de grande satisfaction pour Henri de Castries, longtemps critiqué, y compris par son prédécesseur, pour la sous-capitalisation boursière récurrente d’Axa au regard de ses principaux concurrents européens, comme l’allemand Allianz ou Swiss Life.

Homme de droite

Catholique pratiquant et mécène des Scouts de France, président du comité européen du très secret groupe Bilderberg, un cénacle international de patrons influents, ce fils de bonne famille descendant de sept siècles de sang bleu a longtemps été proche de Nicolas Sarkozy qui lui proposa, sans succès, de revenir au bercail de Bercy comme ministre des Finances en 2007. Homme de droite, il avait néanmoins soutenu la candidature de François Hollande parmi les prétendants à l'investiture socialiste et reçu Manuel Valls chez Axa, où le Premier ministre avait déclaré en 2014, à sa grande satisfaction : «Nous avons besoin de la finance.» Soit l'exact contre-pied du candidat Hollande et de son «mon adversaire, c'est la finance» du Bourget en 2012, où il avait promis en cas d'accession au pouvoir de séparer les activités de banque de détail et d'investissement.

Henri de Castries s'était ensuite fait tacler par Manuel Valls lors de son discours très pro-entreprise à l'université d'été du Medef, fin août 2014, pour avoir expliqué dans le Monde que le «pacte de compétitivité» ne se traduirait par aucun allégement de charges chez Axa. «Peut-être que les allégements de charge ne concernent pas les salaires chez Axa», avait glissé sous les rires le Premier ministre, suggérant qu'ils étaient trop élevés chez l'assureur pour pouvoir en bénéficier. Un peu plus tard dans cette même intervention, Valls avait suggéré à Castries de ne pas oublier le coût des écoles ou du logement quand il explique que Londres «est souvent plus attractive que Paris» faisant référence aux arbitrages d'Axa sur la localisation de nouvelles activités. Henri de Castries, qui a également pris la succession de Claude Bébéar à la tête de l'institut Montaigne, n'était pas tendre ces derniers temps avec le pouvoir socialiste. «Par manque de courage politique, la France décroche», expliquait-il en janvier dernier au Figaro avant de mettre en garde sur «les très graves problèmes» auquel devrait faire face l'hexagone en cas de remontée des taux d'intérêt.