Menu
Libération
Télécoms

SFR mise sur le réseau Sigfox pour connecter les objets

A la différence d'Orange et Bouygues, la filiale d'Altice rejoint le camp de la start-up toulousaine, nouvelle étoile de la French Tech. La bataille ne fait que commencer.
Logo de Bouygues et SFR, le 1er avril à Dunkerque (Photo Philippe Huguen. AFP)
publié le 22 mars 2016 à 18h55
C’est fait. Pionnier des réseaux à bas débit destinés aux objets connectés, la start-up toulousaine Sigfox dispose enfin d’un partenaire dans l’Hexagone pour relayer son offre. Alors que Bouygues Telecom et Orange ont opté pour la technologie concurrente Lora, elle aussi créée par une start-up française mais rachetée par le fabricant de puces américain Semtech, SFR a décidé de faire cause commune avec Sigfox. Son réseau présente l’avantage d’être déjà déployé en France et dans plusieurs autres pays européens comme l’Espagne, le Portugal ou les Pays-Bas. «Nous avons choisi de nous associer à Sigfox, ce qui nous rend opérationnel sans attendre dans ce nouveau secteur de l’Internet des objets», a expliqué le président de Numericable-SFR, Michel Combes, qui s’est présenté comme un revendeur d’abonnements pour le compte de la start-up. SFR, qui entend se développer sur le marché professionnel dit «BtoB», sur lequel Orange est leader en France, a expliqué qu’il avait testé avec succès la solution Sigfox au Portugal avec l’opérateur Portugal Telecom, filiale de sa maison mère Altice, propriété de Patrick Drahi (1). «La technologie de Sigfox est en avance, plus robuste et plus complémentaire que les autres solutions disponibles sur le marché», a poursuivi Michel Combes qui n’a pas pu s’empêcher d’envoyer une pique à ses concurrents Bouygues Telecom et Orange en lançant : «Nous avons opté pour la meilleure techno, pas pour une techno ringarde.»
A côté de lui, le directeur général de Sigfox, Michel Drilhon, buvait du petit-lait. «Nous faisons l’objet depuis quelques temps d’un bashing permanent un peu pénible en France, a-t-il déploré. Le fait que SFR nous fasse confiance montre que notre choix de déployer un réseau international est un plus pour les opérateurs.» Présent en France mais aussi au Portugal, en Israël, aux Etats-Unis et en République dominicaine, Altice entend bien travailler à terme avec Sigfox dans ces différents pays. En duplex depuis Los Angeles, où Sigfox est actuellement en train de déployer son réseau, le PDG de Sigfox s’est lui aussi félicité de cet accord. «Nous avons toujours été convaincus que l’Internet des objets devait être abordé différemment et que notre offre ne rentrait pas en compétition avec celles proposées par les opérateurs», a-t-il expliqué.

Très frugal, le réseau de Sigfox fonctionne via une technologie radio

Pionnier des réseaux à bas débit, Sigfox, créé en 2011, a commencé à déployer son infrastructure dans l’Hexagone dès la mi-2012 à un moment où les opérateurs mobiles ne juraient que par le très haut débit et n’ont pas vu arriver ce nouveau marché de la connectivité low-cost pour relier au réseau des millions d’objets. «A la différence du réseau GSM et de la carte SIM très gourmand en bande passante et en énergie, le credo de Sigfox a été de proposer une connectivité à très faible coût et très simple, explique Michel Drilhon. Cela nous a permis de très vite couvrir la France avec 1500 antennes et pour un coût de 5 millions d’euros, et nous serons présents dans 60 pays à l’horizon 2018.» Très frugal, le réseau de Sigfox qui fonctionne via une technologie radio permet déjà à 6 millions d’objets connectés (capteurs pour l’agriculture, compteurs d’eau et d’électricité, systèmes de surveillance et d’alarme pour la domotique, etc.) d’envoyer de très petites quantités de données : 140 messages de 12 octets par jour et par objet connecté, soit un débit suffisant pour quantité d’applications dans l’énergie ou la sécurité, affirme la start-up.
Inséré dans l’objet, le petit modem compatible avec la technologie Sigfox est inactif la plupart du temps et ne se réveille que pour communiquer à intervalles très espacés pour envoyer ses informations via le réseau Sigfox. Le reste du temps, il dort, ce qui permet à ces objets de disposer d’une autonomie de plusieurs années et même «à vie» selon Ludovic Le Moan, PDG de Sigfox. Trop beau pour être vrai, estime la concurrence des Bouygues Telecom et Orange, qui affirment avoir testé le système avant d’opter pour l’alternative Lora.

«Deux modèles différents qui s’affrontent»

A la différence du réseau Sigfox, cette alliance, qui réunit une kyrielle d’opérateurs et de géants de la high-tech à l’échelle mondiale, se contente de fournir une technologie que les opérateurs peuvent implémenter à la carte sur leur propre réseau. Bidirectionnelle, capable d’envoyer des messages de débit variable, elle est plus adaptée aux besoins des opérateurs, jugent ainsi Bouygues Telecom et Orange. «Ce sont deux modèles différents qui s’affrontent et qui ne répondent pas exactement aux mêmes besoins, explique Samuel Ropert, analyste à l’Idate, un think tank et cabinet d’études spécialisé dans les nouvelles technologies de communication. Ils sont tous les deux lancés dans une course de vitesse et une intense bataille médiatique puisque celui qui s’imposera a toutes les chances de devenir un nouveau standard du marché.»
Bouygues Telecom qui a créé une filiale spécialement dédiée à l’Internet des objets et Orange annoncent un déploiement complet de la technologie Lora sur leurs réseaux d’ici la fin de l’année. La bataille de l’IOT – Internet of Things –, un marché encore émergent mais que l’on présente comme un relais de croissance stratégique pour les opérateurs telecom avec un parc de 20 milliards d’objets à connecter d’ici 2020, ne fait que commencer.

(1) Egalement actionnaire de Libération.