Révélé par Libération au mois de janvier, le projet d'accord de distribution exclusive de BeIn Sports par Canal+ porterait sur un montant de 300 millions d'euros par an sur cinq ans, selon BFM Business, citant des «sources industrielles». Soit une enveloppe totale de 1,5 milliard d'euros, qui serait payée par la filiale de Vivendi, conglomérat dirigé par Vincent Bolloré, à la chaîne qatarie pour avoir le monopole sur sa commercialisation.
Joint par nos soins, le groupe Canal+ s'est refusé à tout commentaire, tandis que BeIn Sports n'a pas donné suite à notre demande. Une source à Vivendi, maison mère de la chaîne cryptée, a confirmé à demi-mot l'information : «Je ne conteste pas le chiffre, mais je conteste l'explication. Nous n'allons pas faire un chèque de 1,5 milliard d'euros à BeIn Sports.» D'après cette source, l'accord prévoit en effet une redevance fixe, qui ne serait pas la même chaque année, et une part variable dépendant du nombre d'abonnés engrangés dans le cadre de ce partenariat. Il est donc impossible de déterminer a priori le montant du contrat. La somme évoquée par BFM Business serait une estimation convenue entre les deux parties.
Portefeuille d’offres
Soumis à l'Autorité de la concurrence pour examen, le contrat n'entérine pas la disparition de BeIn Sports. S'il était validé, l'antenne qatarie subsisterait, et il serait toujours possible de s'y abonner au prix actuel (plus ou moins 13 euros par mois, selon les distributeurs). Seulement, cette offre serait commercialisée par Canal+, à travers ses propres décodeurs ou les boxes des opérateurs télécoms. L'intérêt pour la chaîne cryptée ? Elle «empochera le produit des abonnements à BeIn Sports, moins la commission laissée aux fournisseurs d'accès», ainsi que l'indique BFM Business. Dans le milieu, cette commission est généralement de 30 %.
Par ailleurs, ce partenariat permettrait à Canal+, selon le vœu de Bolloré, de redessiner son portefeuille d'offres. Il pourrait alors proposer un pack dédié au sport avec Canal+ Sport, BeIn Sports et Eurosport (dont le groupe détient aussi la distribution exclusive en France). En la matière, le modèle explicite de Vivendi est le britannique Sky, qui a saucissonné son offre en plusieurs thématiques (cinéma, divertissement, sport, famille, etc.). «Nos prix seront toutefois très inférieurs à ceux pratiqués par Sky en Angleterre», prévient un dirigeant de Vivendi. Le futur bouquet sport de Canal+ devrait être vendu entre 20 et 25 euros par mois, tandis que celui de Sky coûte 60 euros (47,50 livres).
L'Autorité de la concurrence devrait trancher sur ce dossier d'ici la fin avril. Il est stratégique pour le groupe Canal, en difficulté sur son premier marché, la France, même s'il peut compter sur la puissance financière de sa maison mère pour amortir les turbulences actuelles. «Si on fait le deal avec BeIn, on pourra restructurer toute l'offre de Canal, résume-t-on du côté de Vivendi. Si on ne le fait, on ne sera vraiment pas bien.» Un ton alarmiste qui est aussi une façon de mettre la pression sur l'autorité indépendante.