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Libération
édito

Quotas laitiers : un retour qui ne dit pas son nom

publié le 1er avril 2016 à 19h21

Il y a un an disparaissaient les fameux quotas laitiers. Tout à sa doxa libérale, la Commission européenne y voyait alors un retour à la normale du marché. Les risques de surproduction et d'effondrement mécanique des prix agités par les éleveurs français ? Foutaises ! décrétait le commissaire à l'Agriculture, Phil Hogan, qui déclarait tranquillement dans les allées du Salon de l'agriculture : «Les prix du lait en Europe sont les mêmes qu'il y a deux ans. S'il y a des problèmes, nous les gérerons mais il n'y a aucun problème pour l'instant». Il suffit de se pencher sur les chiffres pour voir que Phil Hogan avait tout faux. Ou qu'il faisait mine d'ignorer la menace. Dans les faits, le prix du lait de vache payé aux éleveurs a baissé de 8 % en un an, à moins de 29 centimes le litre. Et, depuis 2014, il a carrément chuté de 25 % ! En cause, la collecte laitière à tout-va relancée par les pays adeptes des «fermes usines» comme l'Allemagne, les Pays-Bas… et surtout l'Irlande de Hogan, qui a explosé tous les compteurs (+ 14 % en 2015). Il n'y a pas de hasard semble-t-il. En pleine crise agricole, la France, elle, n'a pas ouvert les vannes de ses trayeuses, dans l'espoir de maintenir les prix. Raté. Ce sont les éleveurs français qui subissent de plein fouet la surproduction de leurs voisins. Libérée des quotas, la production laitière européenne a bondi de 2,1 % en un an et de + 6,8 % depuis 2014. C'est le retour des «mers de lait» et des «montagnes de beurre» qui écrèment les revenus déjà modestes des éleveurs et les marges plus grasses des transformateurs. Et les Français ne sont pas les seuls à souffrir : avec l'embargo russe et le ralentissement chinois, la déferlante laitière a bien du mal à s'écouler. C'est contre cette surproduction mortifère que l'Europe avait précisément imposé les quotas laitiers en 1984. Après un quart de siècle de réforme de la Politique agricole commune, l'Europe libérale a finalement eu raison des quotas. Mais, devinez quoi, on y revient : le même Hogan vient d'autoriser «des réductions temporaires de la production dans le secteur laitier». Il faut croire que la Commission a redécouvert que sa sacro-sainte «dérégulation» devait s'incliner devant cette vieille loi de l'économie qui veut que l'on doit toujours adapter l'offre à la demande.