Le gouvernement se décidera-t-il un jour à appliquer sa propre loi de transition énergétique, promulguée en août 2015 et qualifiée par François Hollande d'«un des textes les plus importants du quinquennat» ? Aura-t-il le courage politique d'expliquer et de détailler comment il compte parvenir à réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % d'ici à 2025 (contre plus de 75 % aujourd'hui), promesse phare du même Hollande inscrite dans cette loi ? Ou décidera-il de ne surtout rien décider, en jouant la montre pour passer la patate chaude à la prochaine majorité issue des élections de 2017 ?
L'heure de vérité approcherait enfin, si l'on en croit les dernières déclarations, jeudi, de Ségolène Royal. Promis, juré, craché, dixit la ministre de l'Environnement et de l'Energie, le gouvernement publiera «au plus tard le 1er juillet» une «programmation pluriannuelle de l'énergie» (PPE) complète, avec un volet nucléaire qui donnera «une fourchette du nombre de réacteurs à fermer en fonction de deux scénarios sur l'évolution de la consommation électrique». Voilà qui serait tout sauf un point d'étape anecdotique, car sans cette PPE, véritable «feuille de route» de la politique énergétique du pays jusqu'en 2023, les objectifs inscrits dans la loi resteraient lettre morte.
Sauf que l'on peine à savoir si cette promesse de Royal est à prendre au sérieux ou s'il s'agit d'une énième opération de communication de sa part. Par le plus grand des hasards, l'annonce ministérielle est survenue pile-poil le jour où plus de 200 organisations - entreprises, ONG, syndicats, collectivités - appelaient l'exécutif à enfin appliquer sa loi et à ne pas tenter de la débrancher en douce, «alors que des centaines de milliers d'emplois peuvent être créés dans des filières d'avenir comme les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique». Après avoir procrastiné des mois, repoussant sans cesse la présentation de la PPE, prévue à l'origine avant fin 2015, le gouvernement semblait en effet avoir prévu de l'enterrer sans bruit. Le 6 avril, il s'était contenté de fixer des objectifs pour les énergies renouvelables uniquement, dans un projet d'arrêté équivalant en fait à un «retour vers le futur» du Grenelle de Sarkozy, bien moins ambitieux que la PPE (lire Libération du 8 avril). Pourquoi ? Sans doute se sent-il coincé par le tabou de la baisse du nucléaire et la mainmise d'EDF sur la politique énergétique, le tout exacerbé par le marasme économique des énergéticiens français et la déroute du «champion» de l'atome Areva. Saura-t-il cette fois reprendre la main et jouer son rôle d'Etat stratège ? Au vu des derniers épisodes de cette saga sans fin, il est hélas permis d'en douter.