A l’heure où la France se cherche de nouvelles façons de faire de la politique en misant sur les «communautés» (mettre en avant les idées plutôt que les personnalités genre Nuit debout, ou, dans sa version Canada Dry, les hommes plutôt que les idées façon En marche), il est intéressant de jeter un œil sous le capot des plateformes du type NationBuilder. Comme Uber a dynamité le transport urbain, ces outils peuvent casser les façons de faire de la politique. Avec les mêmes recettes : de la technologie à haute dose et, tiens tiens, des communautés d’utilisateurs à qui on fournit des outils d’«empowerment». Aujourd’hui, le big data et les capacités ultrafines de segmentation ont ringardisé les sondages à la papa : il est possible de diviser l’électorat en communautés d’individus puis de microcibler les messages. Il suffira de mobiliser les militants et de leur faire porter ce message auprès de chaque électeur potentiel, à l’ancienne dans les cages d’escalier ou à grands coups de SMS. Le meilleur des deux mondes, le physique et le numérique, pour une puissance de feu sans égale. Les optimistes verront des possibilités de faire naître de nouvelles consciences politiques. A ceux qui regretteront les campagnes au cul des vaches, on leur rappellera que les candidats ont toujours été vendus comme des paquets de lessive. Le véritable enjeu de ces plateformes n’est évidemment pas dans les regrets ou les espoirs. Si 2017 peut être l’année de la première élection en France d’un président «NationBuildé», il appartient aux citoyens de connaître le fonctionnement de ces outils, et des biais antidémocratiques qu’ils recèlent potentiellement. Ce qu’il y a sous ces capots transformera en profondeur le rapport des citoyens à la chose publique. Ceux qui veulent, au printemps 2016, faire de la politique «autrement» n’ont sûrement pas ça en tête.
EDITORIAL
Sous le capot
par Johan Hufnagel
publié le 19 avril 2016 à 20h21
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