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Libération
Vu de Berlin

Volkswagen se réconcilie avec les Etats-Unis mais se déchire en interne

Alors que le constructeur allemand propose de verser une indemnité de 5 000 dollars à ses clients outre-Atlantique, l'ambiance au sein du groupe se tend entre les salariés et la direction, sur fond de bonus jugés indécents.

Hans Dieter Pötsch vient d'empocher 10 millions d'euros de «dédommagement». (Photo Josh Edelson. AFP)
ParNathalie Versieux
Correspondante à Berlin
Publié le 21/04/2016 à 19h02

Le constructeur automobile allemand Volkswagen est parvenu à un «accord de principe» avec la justice californienne pour éviter un procès aux Etats Unis, dans le scandale des moteurs diesels truqués. Cet accord, dont les détails sont restés confidentiels, permettra d'indemniser les propriétaires américains floués. Selon le quotidien Die Welt, l'indemnité pourrait s'élever à 5 000 dollars (plus de 4 400 euros) par véhicule. VW va donc échapper à un procès-fleuve aux Etats-Unis. Mais si cette perspective rassure les milieux boursiers, il n'en va pas de même pour les salariés du groupe, qui redoutent toujours de payer le prix fort du scandale.

Avant, tout semblait simple chez Volkswagen… Le constructeur produisait toujours plus de voitures, les salariés étaient récompensés par de confortables primes et salaires, les actionnaires touchaient leurs dividendes. Et Martin Winterkorn, le patron du scandale des moteurs truqués, empochait 16 millions d’euros par an (dont 14 millions d’euros de primes) sans avoir à redouter le moindre sourcillement du comité d’entreprise.

Colosse aux pieds d’argile

Aujourd'hui, les clients sont méfiants, les salariés inquiets pour leur avenir, les actionnaires sur les dents… Mais la direction ne veut pas renoncer à ses bonus. A l'image de Hans Dieter Pötsch, qui vient d'empocher 10 millions d'euros de «dédommagement» pour être passé de la direction au conseil de surveillance, alors que les salariés soulignent sa coresponsabilité dans le scandale des moteurs truqués. Le montant des primes du directoire devrait être fixé vendredi, à l'occasion d'une importante réunion du conseil de surveillance, à la veille de la présentation du bilan 2015, le 28 avril.

L'affaire des primes et bonus de la direction provoque depuis des semaines un véritable malaise au sein du groupe, révélateur de la fragilité de ce colosse aux pieds d'argile qu'est devenu le premier constructeur européen, dans le sillage du scandale des moteurs diesel truqués. Pour les membres du directoire, il faut «respecter les contrats» de travail des directeurs. Pour le syndicat de la métallurgie IG Metall, qui parle de «guerre des bonus» et est bien décidé à jouer de tout son poids au sein du comité d'entreprise, la Direction doit purement et simplement faire une croix sur ses primes à l'heure où l'emploi est menacé et où les actionnaires ont déjà dû renoncer à leurs dividendes. Les représentants des salariés en font «une affaire de morale», tant envers les salariés que les clients trompés.

Ambiance explosive

Rien ne va plus entre le président du comité d'entreprise, le très puissant Bernd Osterloh – en vertu du principe de la cogestion, il siège au conseil de surveillance, l'organe suprême de décision du groupe – et le patron de la marque VW, Herbert Diess, un ancien de BMW. Selon ses plans, 3 000 postes pourraient disparaître en Allemagne, sur un effectif total de 120 000 salariés et de nombreux emplois intérimaires sont menacés. Pour Osterloh, le groupe cherche à «profiter du prétexte du scandale pour procéder à des réductions du personnel dont il n'était pas question il y a quelques mois encore». Le Land de Basse-Saxe, dirigé par les sociaux-démocrates et actionnaire à hauteur de 15% du groupe, réclame lui aussi «une diminution sensible» du volume des primes versées à la direction.

Malgré le maintien des ventes en Allemagne, l’ambiance est devenue explosive au sein du groupe, obligeant la direction – soucieuse d’éviter un lourd conflit social – à procéder à une enquête interne fouillée sur les attentes des salariés. Ce sondage anonyme sera mené dans 44 pays d’ici la fin du mois de juin. Le groupe aux douze marques compte 600 000 salariés à travers le monde.