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Le «New York Times» accusé de discrimination par deux employées noires

Elles affirment que le prestigieux quotidien américain pratique une discrimination en fonction de l’âge, de la race et du genre.
Au siège du «New York Times», le 28 avril 2016. (Photo Don Emmert. AFP)
publié le 29 avril 2016 à 19h39

Deux employées sexagénaires noires du New York Times ont lancé jeudi des poursuites en justice contre le prestigieux journal, affirmant qu'il pratique une discrimination en fonction de l'âge, de la race et du genre. Ces poursuites, qui aspirent à se transformer en action de groupe, émanent de deux femmes âgées de 61 et 62 ans affirmant que la politique salariale, de nomination et de promotion du journal est discriminatoire envers «les employés âgés, noirs et/ou féminins», et que le journal leur préfère systématiquement son «profil idéal», c'est-à-dire «jeune, blanc, non encombré par sa famille».

«Non seulement le Times a un client idéal (jeune, blanc, riche), mais il a aussi un membre du personnel idéal (jeune, blanc, non encombré par sa famille) pour attirer ce client idéal prétendu», avance la plainte, selon le Guardian. L'avocat des plaignantes, qui assure que 50 victimes présumées pourraient les rejoindre, explique que «dans la poursuite de ces objectifs discriminatoires, le Times a créé un lieu de travail en proie à de fortes disparités».

La plainte fait nommément référence au patron Mark Thompson, ancien directeur général de la BBC, et à une responsable des services financiers, Meredith Levien. Elle relève notamment que cette dernière est la seule femme siégeant au comité exécutif de la société, contre neuf hommes, et que ce «manque de gouvernance féminine favorise une atmosphère où les rôles de chaque genre, les stéréotypes et les préjugés sont renforcés, et où les voix féminines déterminées sont considérées comme "autoritaires" et "difficiles", plutôt qu'"ambitieuses", "pleines d'assurance" ou "incisives"». Le comité de direction du journal compte quant à lui quatre femmes contre dix hommes.

Des visages qui ressemblent «à ceux à qui nous vendons»

Elle assure également que depuis l'arrivée de Mark Thompson à la tête du New York Times, «l'équipe est systématiquement devenue de plus en plus blanche et de plus en plus jeune» à mesure des départs et recrutements. Selon le Guardian, Meredith Levien aurait déjà déclaré devant des salariés qu'elle souhaitait voir de «nouveaux visages» dans ses équipes, «qui ressemblent à ceux à qui nous vendons». Elle aurait ajouté que «ce n'était pas le cas des équipes de vente», un personnel composé de plus de personnes âgées, de noirs ou de femmes, et qui auraient trouvé ces commentaires «scandaleusement en proie à des insinuations racistes».

Pour la porte-parole du New York Times Eileen Murphy, ces poursuites sont basées sur «des séries d'attaques calomnieuses et injustifiées contre Mark Thompson et Meredith Levien» et «déforment complètement la réalité de l'atmosphère de travail» au journal. «Nous sommes en total désaccord avec toute allégation selon laquelle le Times, Mark Thompson ou Meredith Levien ont discriminé une personne ou un groupe d'employés», a-t-elle poursuivi.

Ces poursuites interviennent toutefois deux ans après le licenciement de la directrice générale Jill Abramson, qui avait enflammé le débat sur la difficulté pour les femmes d'occuper des postes clés dans les grands médias et sur leurs conditions salariales. La direction avait alors assuré que ce licenciement n'avait rien à voir avec le fait qu'elle soit une femme, ou avec un conflit sur son salaire. La même année, une étude sur la place des femmes dans les médias avait révélé que le New York Times était le journal comptant le moins de signatures de femmes dans ses colonnes proportionnellement aux hommes des dix plus grands quotidiens nationaux. 69 % des articles étaient rédigés par des hommes.

Elles avancent également le fait que Mark Thompson, lorsqu'il était à la BBC, avait été confronté à plusieurs plaintes de femmes arguant de «pratiques d'emploi sexistes et basées sur l'âge». A la tête de la chaîne publique pendant huit ans, Mark Thompson s'était publiquement excusé en 2012 du manque de représentation des femmes âgées sur la BBC, reconnaissant que la chaîne «devait rendre des comptes quant à sa façon de gérer les femmes plus âgées». «Il est clair qu'il y a trop peu de présentatrices âgées sur la BBC», avait-il encore ajouté. Ses déclarations étaient intervenues après plusieurs départs de présentatrices quinquagénaires poussées vers la sortie, notamment celui de Miriam O'Reilly, qui avait porté plainte contre la BBC après son licenciement, à 52 ans. A l'époque, Mark Thompson avait assuré que cette affaire avait été un vrai «coup de fouet» pour toute la BBC.