Un mouvement qui devrait s'amplifier du fait d'une accélération de la dématérialisation des services rendus par la Poste (-6,1% de l'activité courrier anticipé sur la période 2016-2018) et que la Cour des comptes appelle à mieux anticiper. Autrement dit, la baisse des activités traditionnelles du réseau qui représente encore 48% du chiffre d'affaires du groupe public et 56% des effectifs – mais en y incluant l'activité colis, en pleine croissance grâce au dynamisme du commerce électronique – rend son coût «de moins en moins soutenable». D'où la sonnette d'alarme tirée par les sages de la rue Cambon qui s'inquiètent de la bombe à retardement que représente l'inadaptation du réseau physique à la nouvelle donne numérique.
992 bureaux de poste en zone rurale
«La Poste n'a […] pas encore pris la pleine mesure des évolutions qui obligent à repenser ses modes de relation avec le client», affirme ainsi le référé. En 2014, sur les 9 574 bureaux de poste que compte l'entreprise, 173 étaient considérés comme «à très faible activité» (inférieure à une heure par jour) en ville, et 992 en zone rurale. Dans ses préconisations, la Cour des comptes recommande en conséquence une externalisation accrue de l'activité des bureaux les moins rentables en les transformant en «points de contact partenariat». Elle propose également de «redéfinir les critères d'accessibilité» avec des horaires d'ouverture mieux adaptés en ville comme à l'heure du déjeuner, le soir ou le week-end. Quant aux zones rurales où «les coûts fixes sont sans commune mesure avec l'activité», la Cour des comptes y préconise là aussi d'accroître l'externalisation et lorsque c'est impossible, d'augmenter le nombre d'agents à la fois facteurs et guichetiers, afin de mutualiser les coûts.
Dans leur réponse commune, datée du 27 avril, le ministre des Finances, Michel Sapin, et celui de l'Economie, Emmanuel Macron, affirment que ces mesures d'économies ont déjà commencé à être mises en œuvre. En ville d'abord, via le déploiement de «relais-poste urbains», aux horaires d'ouverture plus larges, et de «consignes pickup» pour les retraits de colis. A la campagne ensuite, avec «le développement des maisons de services au public (Msap) et celui des facteurs-guichetiers».
La Poste avait déjà été épinglée par la Cour des comptes en février, dans son rapport annuel, notamment pour l'organisation de la distribution du courrier. «Je comprends la perplexité et les doutes, [mais] nous, nous sommes des entrepreneurs», avait répondu quelques jours plus tard le PDG du groupe la Poste, Philippe Wahl, lors de la présentation des résultats 2015. Un bilan en nette amélioration avec un bénéfice net de 635 millions d'euros.
Hausse du prix du timbre et diversification tous azimuts
Malgré le déclin, quasi inexorable, du courrier, entraînant dans son sillage celui de la fréquentation des bureaux de poste (de 500 millions de clients en 2013 à 458 millions l'an dernier), la Poste a réussi l'an dernier à augmenter son chiffre d'affaires de 4%. Ce résultat a été obtenu grâce à la hausse du prix du timbre et à une diversification tous azimuts. Outre un «effort significatif de maîtrise des charges» dixit sa direction, qui s'est traduit selon les syndicats par 7 500 départs non remplacés en 2015 (3,5% des effectifs), le groupe a également bénéficié du dynamisme de sa filiale GeoPost dédiée au transport de colis rapide en France et à l'international, dont le chiffre d'affaires a crû de 15,3 % l'an dernier. La Banque postale, dont les tarifs, bien qu'inférieurs à ceux de la concurrence, ont sensiblement augmenté au 1er janvier (de 4,20 euros à 6,20 euros par an pour les frais de tenus de compte, soit une hausse de près de 50%) a confirmé sa bonne tenue avec +1,3% de produit net bancaire. Elle représente 25% de l'activité du groupe.
Mais la Poste multiplie également les nouvelles activités dans le numérique (2% du chiffre d’affaires total) et les activités logistiques en lien avec Internet : lancement de Chronofresh (transport de produits alimentaires frais), mise au point d’un bouton connecté permettant d’expédier des colis depuis sa boîte aux lettres et investissements dans différentes start-up comme Resto-In (livraison rapide de repas à domicile) et Stuart (courses urbaines urgentes sous-traitées à des livreurs indépendants). Il faudra attendre 2020, terme du plan stratégique engagé par son PDG, Philippe Wahl, pour voir si les efforts de modernisation et de diversification de la première entreprise française par le nombre de salariés portent leurs fruits et sont de nature à atténuer les craintes des magistrats de la Cour des comptes.