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Archéologie

Ce que les Mayas savaient vraiment du ciel étoilé

Rien ne permet de penser que l’emplacement de cités antiques ait pu reproduire la carte des constellations. Il est vrai, en revanche, comme nous l’explique l’astrophysicienne Yaël Nazé, que la civilisation mésoaméricaine montrait un intérêt tout particulier pour le Soleil et la Lune.
A Chichén Itzá, au Mexique, la lumière du Soleil dessine la forme ondulante d'un serpent sur les escaliers de la pyramide, les jours d'équinoxe. (Photo ATSZ56)
publié le 12 mai 2016 à 16h14

Rien ne permet de penser, dans la connaissance actuelle que l’on a de la civilisation maya, que l’emplacement des cités ait pu chercher à reproduire la carte du ciel, comme le pense ce jeune Québécois de 15 ans dont les travaux ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Mais des décennies de recherches ont prouvé que les Mayas étaient des astronomes accomplis et leur fascination pour le temps, le Soleil, la Lune et quelques planètes se lit encore sur les sites archéologiques et dans les glyphes de leurs archives.

«On a pas mal de renseignements sur l’astronomie maya, témoigne Yaël Nazé, astrophysicienne à l’université de Liège, en Belgique, et chercheuse au Fonds de la recherche scientifique (FNRS). Le problème, c’est que les Espagnols ont brûlé beaucoup de livres quand ils sont arrivés.»

Suivre les solstices

On constate toutefois, sur les sites archéologiques, que l’orientation de certains bâtiments est clairement définie par rapport au Soleil. A Uaxactun, au Guatemala, trois petits temples sont alignés selon un axe nord-sud et doivent être observés depuis la pyramide principale : au solstice d’été, le Soleil se lève derrière le premier temple. Au solstice d’hiver, il se lève derrière le troisième temple. Et aux équinoxes, le Soleil apparaît derrière le temple central. «Cela permet de savoir où on se situe dans l’année.»

Yaël Nazé explique dans son passionnant livre l’Astronomie des anciens (Belin, 2009) que les Mayas ont «développé une véritable obsession du temps», cherchant à contrôler «la stabilité du cosmos» avec un maximum de prévisions pour limiter les surprises. Car les mondes imparfaits ont le don d’irriter les dieux, qui n’hésite pas à les pulvériser pour tenter un nouvel essai. Ainsi, le Soleil des Mayas portait le numéro 5, après quatre précédents échecs !

Dans plusieurs sites archéologiques, on a également retrouvé «une sorte de tube de pierre assez long», raconte l’astrophysicienne à Libération, creusé dans le sol à la verticale, «qui permet de savoir quand le Soleil passe au zénith». Au passage de l’astre, la lumière illumine la salle souterraine située sous le tuyau.

«Au-delà de ça, on a aussi des connotations cosmiques symboliques dans le jeu de balle précolombien», par exemple. Dans ce sport, qui prenait également part aux cérémonies religieuses, le trajet du ballon symbolisait la course du Soleil et les «buts» en forme d’anneaux étaient à l’est et à l’ouest.

Prévoir les éclipses

Mais pour recenser les connaissances astronomiques mayas, il faut surtout se plonger dans les quatre grands recueils, dits «codex», que l’on possède encore aujourd’hui. Les codex comprennent des tables détaillant les cycles lunaires, d’autres tables sur les mouvements de Vénus et même de Mars, et surtout des prédictions assez détaillées des éclipses solaires.

«Toutes les tables sont faites de la même manière, explique Yaël Nazé. Il y a des intervalles en jours écrits en chiffres mayas, que vous reportez de colonne en colonne. On additionne les dates et les intervalles, et ça donne des prévisions : s’il y a eu une éclipse à telle date, alors il y aura une éclipse tel autre jour.» Les intervalles calculés par les Mayas correspondent à cinq ou six mois lunaires, soit 148 ou 177 jours. Les chiffres mayas ne connaissaient pas la virgule, ils étaient toujours entiers. Mais à force d’ajustements, les moyennes finissaient par tomber très juste : leur lunaison (intervalle entre deux nouvelles lunes) durait par exemple 29,53086 jours, contre une valeur estimée aujourd’hui à 29,53059 jours !

Pour Yaël Nazé, «ces tables montrent que les Mayas avaient des modèles astronomiques arithmétiques, comme il en existait en Chine ou en Mésopotamie. Il n’y a pas énormément d’endroits dans le monde où on a développé des modèles. Et pour en avoir d’aussi bons, il faut avoir étudié l’astronomie longtemps». On connaît d’ailleurs, dans l’iconographie mésoaméricaine, quelques représentations d’astronomes, perchés dans un observatoire et repérant des astres à travers deux bâtons croisés.

Mars, Jupiter, Saturne...

Dans le ciel nocturne, les planètes sont faciles à différencier des étoiles : elles ne scintillent pas, et leur position évolue au fil des semaines. Les Mayas l’avaient bien entendu remarqué. Dans le codex de Dresde, «on a retrouvé des traces de cycles liés à Mars. C’est beaucoup moins détaillé que les tables d’éclipses solaires, mais ça existe».

La planète Vénus occupe en revanche une place primordiale dans le panthéon maya. Elle «correspond au dieu Kukulkan, le serpent à plumes qu’on connaît bien chez les Aztèques. C’est un dieu de guerre. On pense que les cités mayas lançaient des campagnes de guerre en fonction des phases de Vénus.»

Mais les hypothèses deviennent plus hasardeuses pour les autres planètes très brillantes que sont Jupiter et Saturne. «On pense qu’à Palenque, certaines stèles montrent les traces d’un intérêt pour Jupiter et Saturne», mais rien n’est confirmé.

«Tables astronomiques» controversées

La confusion atteint son apogée dans le domaine des étoiles et des constellations mayas. Officiellement, on ne connaît aucun dessin ni symbole d’étoile dans les écrits archivés. «Dans les codex, on est sûrs qu’il s’agit de tables astronomiques. Mais certains archéologues disent que la position des astres dans le ciel y est notée, et d’autres pas», rapporte Yaël Nazé. L’interprétation est beaucoup plus ardue qu’en Chine ancienne, où les cartes du ciel faisaient clairement figurer des points pour les étoiles, et des lignes les reliant pour former des constellations.

Dans le codex de Paris en particulier, une «bande horizontale avec des bestioles suspendues» fait beaucoup parler d’elle. «Certains disent que la bande représente l’écliptique», c’est-à-dire la trajectoire du Soleil vue depuis la Terre, «et les bestioles représenteraient le « zodiaque » maya, au sens premier des constellations traversées par le Soleil au cours de l’année. C’est controversé. Il s’agit seulement d’un dessin, on ne sait pas où sont les étoiles là-dedans».