Surprise dans les Echos ce mardi: Vincent Bolloré parle. Très rare dans les médias, le big boss de Vivendi dit sa confiance en l'avenir de Canal+, la filiale audiovisuelle du conglomérat qu'il a pourtant menacé de fermer il y a peu. «Je pense non seulement que Canal+ est sauvable, mais qu'il sera sauvé, sous réserve des accords prévus et des économies à faire», lance-t-il cette fois. Les accords prévus? L'homme d'affaires fait référence au contrat de distribution exclusive passé avec BeIn Sports, actuellement à l'examen par l'Autorité de la concurrence. Du côté de Vivendi, où l'on considère que cet accord est la seule façon pour la chaîne cryptée de regagner des abonnés, on s'attend à ce que l'instance de régulation rende son avis cette semaine. D'où l'intervention de Bolloré dans le quotidien économique, qui est l'occasion de mettre un dernier coup de pression sur l'Autorité.
«On est passé par une première phase de prise de conscience, puis on a mis l'équipe qu'il faut, et la direction est maintenant claire. Quant à la démarche, elle s'inscrit dans le long terme», poursuit le président du conseil de surveillance de Vivendi. L'objectif est d'aller chercher des abonnés, et tant pis si cela passe par une réduction des tranches en clair, au profit du temps d'antenne en crypté. «Il n'y a pas une seule chaîne payante au monde qui ait des tranches en clair, avance Bolloré. Et pour nous, ce n'est pas une obligation réglementaire. Nous pouvons donc les réduire.» Revirement stratégique d'importance dans l'histoire de Canal, le mouvement a en réalité déjà commencé. Il a notamment provoqué la fuite de Yann Barthès, présentateur du Petit journal, et de sa société de production, Bangumi.
Dans les Echos, le patron de Canal+ assume: «Quand on ouvre une plage en clair, on gagne certes à court terme des recettes publicitaires, mais à long terme, on perd des abonnés. Surtout quand on diffuse en clair des émissions qui auraient vocation à être réservées aux abonnés payants ou quand elles n'ont rien à voir avec la programmation en crypté. La bonne méthode pour générer de l'abonnement, c'est au contraire de commencer à diffuser un match et de basculer en crypté.» Chez Vivendi, on rappelle que le groupe possède par ailleurs des chaînes gratuites, avec D8 et D17. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas basculer les antennes de Canal+ vers un modèle quasi intégralement payant?
Bolloré s'exprime enfin sur l'avenir de sa chaîne d'information: «Il ne faut pas vendre iTélé», déclare-t-il. Il a pourtant récemment fait le tour des acheteurs potentiels, en fixant un prix à 200 millions d'euros, selon les informations de Libération. Ce mardi, il assure au contraire vouloir «la garder et la redéployer en utilisant les forces de Vivendi et de Canal: on peut y couvrir plus de sport, plus de cinéma, plus de culture, plus d'international. Il faut se démarquer de la concurrence en jouant sur nos forces.» Le propos, peu convaincant et peu convaincu d'un point de vue éditorial, ne sera sans doute pas de nature à rassurer les salariés d'iTélé. La semaine dernière, lors d'une réunion de la société des journalistes, ceux-ci ont discuté du principe d'une grève.