La polémique continue sur les rémunérations de certains patrons, et surtout celle de Carlos Ghosn (15 millions d’euros en 2015 en cumulant les salaires de Renault et de Nissan). Même François Hollande s’est fâché tout rouge mardi, sur Europe 1, en menaçant de légiférer. Un coup de gueule dont les effets sont pour le moins discutés.
Le salaire de Carlos Ghosn avait été rejeté à la majorité fin avril, lors de l'assemblée générale des actionnaires - l'Etat, principal actionnaire, avait d'ailleurs voté contre. Une gifle pour le tout-puissant patron de Renault… mais pas au point de le faire renoncer au pactole. Ce vote, le fameux «say on pay» instauré en 2014 dans ces assemblées, n'est en effet que consultatif et porte sur le salaire de l'année précédente. A la suite du rejet par les actionnaires, le conseil d'administration a confirmé le maintien des rémunérations de Ghosn. Mais comme le règlement l'y oblige, il a mandaté le comité de rémunération du groupe pour qu'il propose des «évolutions utiles» pour les prochaines années.
La proposition de Hollande porte sur le caractère consultatif de ce vote. «Si rien n'est fait du côté patronal», il le rendra contraignant. Mais des économistes se méfient d'un renforcement du pouvoir des actionnaires sur les dirigeants et rappellent les liens qui les unissent, les émoluments des seconds étant indexés sur le montant des dividendes reversés aux premiers. «Ce que recherchent les actionnaires, c'est que les firmes maximisent la quantité de cash, potentiellement pour qu'elles le leur redistribuent ensuite», rappelle l'économiste Tristan Auvray.
Quitte à légiférer, autant ressortir la proposition du candidat Hollande qui, avant d'être élu, a proposé de taxer à 75 % la part des revenus supérieure à un million d'euros. «C'est ça, légiférer», insiste l'économiste. Ou bien imposer la règle des trois tiers au sein des conseils d'administration : un tiers de représentants des actionnaires, un tiers de représentants des salariés, un tiers de spécialistes du secteur. Proposition utopiste.
Le «say on pay» pourrait aussi montrer ses limites là où la structure du capital est verrouillée - quand la majorité des actions est détenue par l’entreprise familiale.
Un renforcement du «say on pay» est pourtant la seule cartouche que le Président semble vouloir brûler. Une audace à limiter : une directive européenne en cours d’élaboration envisage de rendre cette procédure contraignante à l’horizon 2018 au sein de l’UE.