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Télécoms

Les 50 milliards de dette de Patrick Drahi ne l'empêchent pas de dormir

Auditionné par le Sénat, le propriétaire de SFR mais également de «Libération» et de «l'Express» a notamment expliqué qu'il ne chercherait plus à jouer un rôle actif dans la consolidation du secteur des télécoms en France. Florilège.
Patrick Drahi, en avril. (Photo Eric Piermont. AFP)
publié le 8 juin 2016 à 17h13

C'était jour d'audition ce mercredi au Sénat pour Patrick Drahi, à la tête du groupe de télécoms et multimédia Altice, dont fait partie Libération. Planchant devant la commission des affaires économiques du Palais du Luxembourg, le propriétaire du groupe SFR a répondu aux interrogations des sénateurs sur une myriade de sujets, allant de son endettement record à ses projets en France en passant par la liberté de la presse, sa domiciliation à l'étranger ou la qualité du service de SFR dont le parc d'abonnés (14,86 millions dans le mobile) a fondu de 1 million au premier trimestre 2016 par rapport à il y a un an. Le deuxième opérateur mobile a également accusé une perte trimestrielle de 41 millions d'euros au premier trimestre 2016. «Un client qui me quitte, ça me fait mal au cœur, et plus qu'au cœur, au portefeuille», a-t-il déclaré.

Plus de rachats d’actifs télécoms en France

Premier éclaircissement, le nouveau tycoon des télécoms et des médias a expliqué qu'il n'avait pas l'intention de réactiver une concentration du secteur des télécoms en France qu'il juge non nécessaire à la viabilité de SFR. «Est-ce que le marché peut rester comme ça à quatre ? Oui bien sûr. Est-ce qu'il va rester à quatre pour les dix prochaines années ? Cela m'étonnerait mais ce n'est pas moi qui vais m'activer sur ce dossier.»

La France, a-t-il précisé, représente un peu moins de la moitié du chiffre d'affaires d'Altice qui est également présent en Israël, au Portugal, en République dominicaine et, depuis l'an dernier, aux Etats-Unis où il a effectué deux grosses acquisitions de câblo-opérateurs locaux. Un pays «plus rentable» aujourd'hui pour le développement d'Altice, a argué Patrick Drahi, alors, dit-il, que le marché français est en décroissance. «La consolidation est plus indispensable pour ceux dont la France représente 100% du chiffre d'affaires dans le métier», a-t-il conclu sur ce sujet, dans une allusion à ses concurrents Bouygues et Free présents uniquement dans l'Hexagone.

Toujours plus d’investissements dans la fibre

Toujours au chapitre télécoms mais sur le volet déploiement du réseau cette fois, Patrick Drahi a déclaré qu'il visait 22 millions de logements «fibrés» à l'horizon 2022. «Depuis trois ans, SFR n'était pas très actif, mais je viens d'arriver et le groupe, racheté fin 2014, sera présent à tous les appels d'offres. On me limite avec le plan numérique, alors que je veux investir. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait qu'un réseau qui se développe, celui d'Orange ! Faisons 50-50 ! Le Plan fibre, c'est nous qui allons atteindre les objectifs. En 2017, Orange sera à 9 millions de prises, nous serons à 12 !», a-t-il expliqué.

Il est également revenu sur la différence entre la fibre et le FTHH («fiber to the home» ou fibre de bout en bout) déployé par Free ou Orange jusque chez l'abonné alors que SFR utilise une technologie différente pour relier ses abonnés : son réseau fibre optique s'arrête le plus souvent au pied des immeubles (FTTB ou «fiber to the building») et le raccordement vertical final de l'abonné se fait généralement en câble coaxial. Alors qu'un arrêté ministériel pris après les plaintes de Free et Orange oblige désormais à préciser dans les publicités sur la fibre le mode de raccordement final de l'abonné (le FTTH est plus performant pour les débits montants, lorsqu'il s'agit d'envoyer des données), Patrick Drahi a précisé que son réseau câble avait réussi récemment un test à 10 gigabits/seconde et qu'«il n'y a qu'en France qu'on pose cette question [du distingo entre FFTH et FFTB]». «Mon plus gros centre de recherche est au Portugal, on les sous-estime mais ils sont très performants», a-t-il ajouté.

Le principal actionnaire d'Altice a enfin vanté les progrès de SFR, «passé de 33% à 65% de couverture 4G quand d'autres sont passés de 65 à 75%. On fait de gros efforts. Notre ratio investissement/chiffre d'affaires est le plus important du secteur. Nous sommes passés de 1,4 milliard d'euros à 2,3 milliards d'euros cette année».

Optimisation fiscale et endettement

Mais il fut également question de fiscalité et d'endettement. Si Drahi habite à l'étranger (sa résidence principale est à Genève), c'est parce que «créer une entreprise en France, c'est encore le parcours du combattant». «Parlons d'optimisation fiscale : Qui cherche à remplir sa déclaration d'impôts pour payer plus d'impôts ? Personne !, a-t-il déclaré en déclenchant les rires des sénateurs. Si je peux lever autant de capitaux, c'est aussi parce que je n'habite pas en France. Les fonds sont à Londres, New York, Pékin… L'un de mes principaux banquiers, c'est BNP, qui va placer ma demande sur le marché mondial. SFR paie ses impôts en France et elle en paye beaucoup. Et si elle en paye beaucoup, c'est parce que je l'ai redressée. Quand on fait des affaires en France, on paie ses impôts en France.» Et au sujet de son endettement, le très cash Patrick Drahi a déclaré «qu'il dormait mieux aujourd'hui avec 50 milliards de dette que les 50 000 qu'il avait à ses débuts».

La convergence, nouveau modèle économique pour la presse

Le propriétaire de Libération, du groupe l'Express et de 50% de NextradioTV (BFM et RMC), avec une option de rachat sur la moitié restante, est enfin revenu sur ses investissements dans la presse. «Je suis fier de ce que j'ai fait, j'ai sauvé deux titres et trouvé un modèle économique, je pense que je vais être suivi. Comment on se développe ?, a-t-il poursuivi à propos de la récente intégration de ses titres de presse écrite dans SFR News, une nouvelle entité au sein de l'opérateur. Les titres qu'on a sont visibles sur SFR par 12 millions de personnes. Le rapport entre Libération, L'Express et BFM, c'est la digitalisation. Celui qui n'investit que dans le papier, je ne le suis pas !»