Menu
Libération
EDITORIAL

Vitrine

publié le 10 juin 2016 à 20h21

Voilà un an qu'il a pris le contrôle total des chaînes de télévision du groupe Vivendi, et Vincent Bolloré se voit toujours en «sauveur». D'un point de vue industriel et financier - même si les chiffres ne plaident pas en sa faveur pour le moment -, sa stratégie n'a guère changé et respire l'air du temps. Depuis qu'il rachète des entreprises, notamment dans les médias et la communication, l'homme d'affaires aime à être présent d'un bout à l'autre de la chaîne et à jouer la carte de la convergence de manière assumée : en l'occurrence, faire passer au Grand Journal l'artiste Universal (groupe Vivendi) dont le clip est diffusé sur Dailymotion (groupe Vivendi) et dont il fait la pub dans les jeux Gameloft (groupe Vivendi) pour smartphones. Logique implacable. Sauf qu'il a tendance à oublier un point important. Une télévision, c'est d'abord des programmes et une âme. Canal + en est le plus bel exemple. S'abonner à la chaîne cryptée ne reposait pas seulement sur les films en première diffusion, le foot et le cul ; les programmes en clair du temps de la grande époque de l'esprit Canal n'étaient pas qu'une vitrine, ils participaient du sentiment d'appartenir à une communauté, ou d'avoir envie d'y appartenir. Donc de s'y abonner. En enterrant des programmes emblématiques, il est vrai déjà mal en point, Vincent Bolloré déchire définitivement le contrat qui reliait le téléspectateur à cette chaîne et construit un nouvel univers : d'un côté, Canal + quasi totalement crypté qui se prend pour un Netflix généraliste, et de l'autre, D8 comme vitrine grand public voulant concurrencer M6 avec Cyril Hanouna en tête de gondole. Un changement de logiciel et de cible… Ironie de l'histoire, D8 multidiffuse actuellement un programme Génération Canal + qui revient sur les grandes heures de la chaîne époque Lescure et De Greef. Une génération déjà archivée, donc.