La somme a de quoi impressionner et pourrait relancer les spéculations sur le gonflement d’une nouvelle bulle de l’Internet. Premier réseau social professionnel mondial avec 433 millions de membres, dont 11 millions en France, Linkedin va être racheté par Microsoft pour la rondelette somme de 26,2 milliards de dollars (23,3 milliards d’euros). Soit rapporté au nombre d’utilisateurs, un coût de 61 dollars par CV déposé sur Linkedin.
Les deux entreprises viennent de l’annoncer en vidéo lundi matin outre-Atlantique, révélant un gigantesque deal à propos duquel rien n’avait fuité ces derniers jours. Concrètement, Microsoft rentre à partir de ce jour en négociations exclusives avec le réseau social pour en acquérir l’intégralité des actions au cours de 196 dollars. Un prix supérieur de 49,5% à leur valeur de Linkedin vendredi au Nasdaq, la bourse électronique des valeurs technologiques new-yorkaise. Sitôt l’annonce de cette transaction monstre, le cours de l’action Linkedin s’est ajusté, grimpant de 50% lundi à l’ouverture du marché tandis que celle de Microsoft perdait 4%.
Il s'agit de la plus grosse acquisition de l'histoire de Microsoft et du premier très gros coup de l'actuel PDG du leader mondial des logiciels, l'ingénieur informatique Satya Nadella, qui a succédé au vendeur dans l'âme Steve Ballmer début 2014. C'est également la troisième plus grosse acquisition jamais vue dans le secteur des nouvelles technologies, juste devant celle de WhatsApp par Facebook pour 22 milliards de dollars. Bien que disposant d'une confortable trésorerie de 23 milliards de dollars, Microsoft va recourir à l'endettement pour financer ce rachat qui sera payé en cash aux actionnaires de LinkedIn, qui doivent encore l'approuver. La transaction devrait être terminée d'ici la fin de l'année, rapportent les deux géants des nouvelles technologies.
«Changer la façon dont fonctionne le monde»
«Ensemble, nous pouvons accélérer la croissance de LinkedIn, et celle de Microsoft Office 365 pour fournir des outils à chaque personne et chaque organisation», a commenté Satya Nadella. Il a expliqué «qu'il y pensait depuis longtemps» et qu'il connaît «très bien LinkedIn» pour en être «un usager et publier régulièrement» sur son profil. «Cette relation avec Microsoft et l'association entre leur cloud et le réseau de LinkedIn nous donne une opportunité de changer la façon dont fonctionne le monde», a pour sa part affirmé Jeff Weiner, le directeur général de LinkedIn. Ce dernier va demeurer en poste et continuer à gérer le réseau social qui restera, promettent les deux parties, une marque à part entière.
En situation de quasi-monopole dans le monde anglo-saxon, la société créée en 2003 à Mountain View, dans la Silicon Valley californienne, avait fait son entrée en bourse en 2011, à 45 dollars l'action. Sa valorisation avait atteint un pic de 270 dollars l'action en 2015, avant de chuter en raison des difficultées de ce réseau social de cadres à vocation mondiale à tenir ses promesses de «monétisation» vis-à-vis des marchés. Au fil des ans, LinkedIn, utilisé avant tout pour y poster son CV et rentrer en contact avec de potentiels recruteurs, a étoffé son offre en permettant à ses utilisateurs de s'y envoyer des messages privés ou de publier des articles de blog. Le site a également beaucoup investi dans sa conversion à une stratégie «mobile first» : il est aujourd'hui utilisé à plus de 60% sur smartphones ou tablettes.
Des pertes creusées
LinkedIn réalise un chiffre d'affaires de 3 milliards de dollars, en hausse de 35% sur un an. Plus des deux tiers proviennent des abonnements payants et surtout des services facturés aux entreprises pour des solutions de recrutement-clé, le nerf de la guerre de LinkedIn. Le reste des recettes est apporté par la publicité. Ses pertes se sont creusées en 2015 à 165 millions de dollars de pertes contre 15 millions en 2014. Mais elles s'expliquent par la hausse des dépenses en marketing et en recherche et développement, en hausse de 39 % sur un an, à 1,8 milliard de dollars. LinkedIn a également dépensé pas mal d'argent en acquisitions ces derniers temps. En avril 2015, le réseau social professionnel a déboursé 1,5 milliard de dollars pour s'emparer Lynda.com, un site spécialisé dans l'éducation. Puis en février 2016, il a mis la main sur la start-up Connectifier, qui a mis au point un outil permettant de cibler et d'indexer des profils d'utilisateurs en recherche d'emploi grâce à de l'intelligence artificielle.