Menu
Libération
Métro, boulot, déco

Nouveau métro parisien : «Le passager ne doit pas se sentir prisonnier d’un univers mobile»

Alstom a dévoilé le nouveau métro parisien qui entrera en service courant 2019. Comment améliorer l'aménagement d'un moyen de transport aux normes très contraignantes ? Réponses du responsable design du constructeur français.
Elisabeth Borne (à gauche), présidente de la RATP, et Valérie Précresse, présidente de la région Ile-de-France, lors de la présentation du futur métro parisien. (AFP)
publié le 13 juin 2016 à 13h40

Le métro parisien accueillera bientôt un nouveau rejeton. Alstom a présenté il y a quelques jours le MP14, destiné à remplacer les rames actuellement en circulation sur la ligne automatique 14. La première tranche porte sur 35 rames. Mais 217 trains de ce type seront livrés dans les quatorze prochaines années. Montant du contrat : deux milliards d’euros. Par la suite, ces nouveaux métros équiperont les lignes 4 et 11 du réseau RATP. Si ce métro s’inscrit dans la continuité du modèle actuel, avec notamment ses grandes baies vitrées, un effort a été porté sur les notions d’intimité et de convivialité. Comment y parvenir, lorsque l’on parle d’un mode de transport qui accueille des dizaines de milliers de passagers par jour ? Réponse de Xavier Allard, directeur du design chez Alstom.

Quels sont les changements par rapport aux rames qui roulent déjà ?

Le métro parisien est un système historique qui contraint les dimensions des rames. Elles restent donc inchangées. Donc, pour être honnête, nous n’avons pas gagné énormément en superficie. Il n’y a pas de places supplémentaires, très peu de volume en plus. On retrouve le fameux 4+2, quatre places assises d’un côté et deux de l’autre, et des assises longitudinales près des zones d’accès.

Image de synthèse @Alstom.

Mais, dans votre dossier de présentation, vous parlez d’alcôve pour les places assises. L’éclairage au-dessus est diffus, il y a aussi une continuité du garnissage des dossiers sur la cloison du métro qui accentue cette impression d’espace clos… 

C’est vrai, on utilise des mots comme abat-jour, alcôve, ambiance conviviale, alors que l’on est à l’intérieur d’un métro. Mais si nous, designers, ne sommes pas dans cette recherche-là, qui le sera ? Il faut parler de bien-être, de confort et de liberté. A propos des places assises, le siège ne permettait jusqu’alors qu’une seule position de confort. On a travaillé le garnissage de manière à ce que le passager, en fonction de l’heure, puisse exploiter toutes les positions, y compris sur des zones qui hier n’étaient pas utilisées ou pas indiquées, comme les cloisons. Il peut se mettre sur le côté, par exemple, adapter sa position en fonction de la circonstance. Notre réflexion sur cette continuité du garnissage est identique pour la zone d’accès. Les appuis sciatiques par exemple (là où sont situés les strapontins, ndlr) permettent aussi de s’adosser à la cloison. L’arrondi de l’assise sciatique, l’angle avec la cloison, tout ça est travaillé au millimètre près pour conserver du confort quelles que soient les circonstances de voyage.

Bien entendu, le contexte change selon que le train est bondé ou non. Mais le confort dépend aussi de la morphologie du passager, de son âge, s’il est accompagné ou non, s’il a une poussette ou un vélo, s’il est plus ou moins handicapé. C’est pourquoi, chez Alstom, nous partons du principe que nous sommes tous plus ou moins handicapés. Il y a bien sûr des accès et des zones réglementaires. Mais la notion de handicap n’est pas réservée à certains espaces du train. C’est ce qui nous permet de travailler le traitement du confort selon les besoins de chacun, où qu’il soit.

Les bordures de sièges sont courbes. Vous parlez d’assises «boomerang». Pourquoi cette forme ?

Parce qu’elles permettent de multiplier les positions de jambes, de les positionner dans le couloir ou contre la baie, selon que vous connaissez la personne à côté ou pas. Ces assises permettent aussi de les placer uniquement d’un côté et améliorer la fluidité. En évacuant vos jambes d’un côté, par exemple, vous facilitez le passage d’un voyageur qui veut se rendre sur la place près de la fenêtre. Ou qui souhaite sortir de la zone fenêtre vers le couloir. Ce type d’assise existe déjà, mais c’est la première fois que ce concept est intégré dans un métro.

Image de synthèse @Alstom.

Il y a aussi plusieurs sources d’éclairage…

L’idée c’est de créer des ambiances différentes. Les zones d’accès, aux portes, disposent de grandes dalles d’éclairage. Les zones assises sont éclairées par des petits spots qui donnent une lumière moins diffuse, moins dure.

Cette disposition lumineuse ressemble à celles des nouveaux trains de votre concurrent Bombardier, qui circulent déjà en région parisienne…

Oui, c’est vrai. La NAT est un train magnifique, on a un grand respect pour lui et notamment pour sa qualité d’éclairage. Cette grande dalle éclairée, c’est la bonne idée pour l’accueil. Le passager a besoin de lumière quand il entre dans le train, pour être guidé. Une fois assis, l’ambiance doit être plus feutrée, convivial. L’ensemble donne une perception de confort.

Justement, la zone d’accueil, aux portes, semble très spacieuse. C’est une réalité ou encore une impression ?

Dans un train, l’expérience passager commence par l’entrée. Cette zone, c’est la première étape qu’il ne fallait absolument pas manquer. Fondamentalement, il n’y a pas davantage d’espace que sur le matériel actuel. Bien sûr, on a réduit les épaisseurs des dossiers, réfléchi sur les positions qui permettent de gagner quelques centimètres ici ou là. Mais on a davantage travaillé le domaine de la perception que celui du réel. Il n’y a pas de rupture de couleur, par exemple, ça commence par là. Le découpage de la couleur sur le MP14 accentue l’impression d’avoir un volume plus grand.

On peut aller d’un bout à l’autre de la rame sans sortir, comme sur de nombreux modèles aujourd’hui. C’est un choix qui se généralise ?

Oui, on ne vend plus un seul métro dans le monde sans ces intercirculations de type boa. Et ça se répand. Même sur certains trains régionaux, il y a ces grandes ouvertures. Le passager ne doit pas sentir la fin technique de la voiture et le début d’un autre. Il ne doit pas y avoir d’obstacle. Cette idée de continuité, vous la retrouvez avec cette surface vitrée exceptionnelle, qui existe déjà sur les rames actuelles de la ligne 14. On peut se poser la question de la pertinence d’une surface transparente aussi importante pour un matériel urbain qui circule en tunnel. Et pourtant, pour certains passagers, prendre un métro c’est un traumatisme. Le passager ne doit pas se sentir prisonnier d’un univers mobile, le train, par rapport à un univers immobile, le quai. Il est important pour sa tranquillité qu’il ne perçoive aucune rupture.

Le métro est effectivement anxiogène pour beaucoup. C’était une demande de la RATP d’axer les efforts sur la convivialité, le sentiment de sécurité ?

Oui, elle a demandé qu’on lui fasse des propositions sur le confort, l’espace. Et aussi sur un troisième point très important : tout devait être facilement nettoyable. Je dis toujours à mes designers, quand ils travaillent, de prendre un crayon d’une main et un chiffon de l’autre. La continuité de garnissage, l’absence de jeu entre le dossier et l’assise, c’est aussi dans cette optique du coup de chiffon facile et rapide.