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Justice

Le procès Heetch renvoyé en décembre

La multiplication des chauffeurs de taxi qui se sont portés partie civile contre la société de transport entre particuliers a empêché la tenue de l’audience prévue aujourd'hui.
Des employés de Heetch, au siège de la société de transport à Paris en octobre. (Photo Bertrand Guay. AFP)
publié le 22 juin 2016 à 14h14

En football, c'est ce qu'on appelle marquer un but contre son camp. Le procès ce mercredi matin des deux dirigeants de Heetch, application de transport entre particuliers destinée aux jeunes noctambules entre 20 heures et 6 heures du matin, a été renvoyé aux 8 et 9 décembre par le tribunal correctionnel de Paris, débordé par les constitutions de partie civile des chauffeurs de taxi. Mathieu Jacob et Teddy Pellerin, les dirigeants de la société, comparaissent pour complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels. «L'audience prend une dimension soudaine, a déclaré la présidente du tribunal devant une salle pleine à craquer. Les parties civiles ne cessent d'arriver et empêchent la tenue de l'audience, puisqu'il faut les enregistrer chacune, ce qui n'était pas prévu.»

Fondée en 2013, la société Heetch annonce 10 000 conducteurs occasionnels et 50 000 trajets hebdomadaires effectués par des usagers de 23 ans en moyenne à Paris, Lille et Lyon. Pour sa défense, elle avance que les revenus de ses conducteurs sont plafonnés à 6 000 euros par an et donc que cette occupation ne peut pas faire office d’activité professionnelle.

L’ombre des condamnations de chauffeurs UberPop

Paradoxe : c'est donc la multiplication soudaine des constitutions de partie civile qui va permettre à leur adversaire de continuer son activité au moins six mois de plus sans être inquiété. Ces chauffeurs de taxi ont répondu à un appel diffusé sur les réseaux sociaux par le collectif Taxis de France qui les encourage à se constituer partie civile à titre individuel, en plus des associations plaignantes comme l'Union nationale des taxis (UNT). «C'est contre-productif et navrant», a déclaré la présidente du tribunal. Et cette dernière d'ironiser : «On est plus habitués à subir des manœuvres dilatoires de la part des prévenus !»

Après avoir déclaré le renvoi de l'audience à décembre, la magistrate a appelé les chauffeurs de taxi individuellement par ordre alphabétique afin de noter leurs demandes de dommages et intérêts allant de 5 000 à plus de 150 000 euros. Dans ces demandes, plane l'ombre des condamnations des chauffeurs UberPop, application de transport entre particuliers du géant américain de VTC Uber en sommeil depuis juillet 2015, à verser des indemnités compensatoires aux organisations de taxis. «Le tribunal doit prendre l'identité de toutes les parties civiles et leur demande», a expliqué la présidente du tribunal.

Et la magistrate de préciser : «Mais il ne suffit pas de dire "je suis chauffeur de taxi, voilà ma carte d'identité, j'ai perdu tant de chiffre d'affaires et je demande tant", il faut des justificatifs tels que des déclarations d'impôts pour que la démarche soit recevable. Mais si les 19 500 chauffeurs de taxi parisiens veulent porter plainte, on ne pourra pas tenir l'audience renvoyée en décembre.»