Coup dur pour les habitants de Trentemoult. Jeudi soir, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande de suspension du permis de construire de la «chaufferie» d’Erena, filiale d’Engie (ex-GDF-Suez). Cet «énorme pot d’échappement», selon ses détracteurs, est destiné à brûler des résidus de bois issus de l’industrie pour chauffer les habitants du sud de Nantes. Sa construction a déjà démarré, à 150 mètres des premiers riverains. Et pas n’importe lesquels : les bobos nantais attirés par cet ancien village de pêcheurs situé en bord de Loire, aux petites rues étroites et aux façades colorées. Journalistes, enseignants et chercheurs – qui y ont fait flamber les prix de l’immobilier – adorent le côté «carte postale» de ce quartier de Rezé (Loire-Atlantique), sélectionné l’an dernier parmi les «villages préférés des Français» sur France 2.
Dominique A, le chanteur de 47 ans, interprète masculin de l'année aux victoires de la musique 2013, y a acheté il y a un an une maison avec vue sur Loire. Arrivé à Nantes à 15 ans, il a longtemps vécu de l'autre côté du fleuve, côté nantais. «L'image des bobos dans leur cage, tout juste bons à mettre des fleurs à leurs balcons pour les touristes, nous est préjudiciable», convient-il sans détour. «A vrai dire, ça suscite autant d'empathie que quand les notaires se mettent en grève ! Mais c'est un peu facile de réduire des revendications légitimes à un combat de privilégiés : il y a ici des gens qui peinent à joindre les deux bouts.»
Capteurs de Air Pays de la Loire
Les détracteurs de la chaufferie, qui redoutent ainsi les rejets de «particules fines» de ses cheminées, n'entendent pas mettre leur village «sous cloche». Coincé entre une deux fois deux voies et la Loire, le petit havre de paix est à vrai dire déjà survolé par les avions qui atterrissent sur l'actuel aéroport de Nantes ; il doit également composer avec le voisinage encombrant d'une station d'épuration et de la zone commerciale qui entoure le Leclerc voisin. Mais ses habitants sont ulcérés par les multiples «paradoxes» de Nantes Métropole, qui joue allègrement du côté «carte postale» de Trentemoult dans sa communication institutionnelle. La «capitale verte européenne» de 2013 va aussi accueillir en septembre Climate Chance, le premier sommet mondial pour la société civile dédiée au changement climatique. La volonté de «démocratie participative» affichée par la maire (PS) Johanna Rolland contraste enfin avec «l'omerta» qui règne sur le dossier, selon eux.
La communauté urbaine de Nantes, pour sa part, se prévaut du feu vert de l'Agence régionale de santé (ARS), pour qui la chaufferie de Trentemoult «n'est pas de nature à avoir un impact sur la santé des populations». Son «isolation renforcée des parois» limitera aussi son bruit à «5 décibels», soit «moins que le bruit du vent dans les arbres». Cet outil de la «transition énergétique» permet enfin, et surtout, de «relocaliser la production d'énergie». Mais, pour calmer la fronde des riverains, elle a consenti à ce que Air Pays de la Loire mette des capteurs sur l'installation et publie leurs données sur Internet.
Seul souci : le conseil d'administration de cet «organisme indépendant» est actuellement présidé par Julie Laernoës… sa vice-présidente (EE-LV) en charge de la «transition énergétique» et donc du dossier de la chaufferie de Trentemoult. Un «conflit d'intérêts» qui fait bondir les riverains, à qui il ne reste plus qu'une carte à jouer en justice : contester l'éventuelle autorisation d'exploitation du préfet, qui devrait être accordée d'ici la fin de l'été. Ouverture prévue dans la foulée, en octobre.