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Libération
Erasmus

Free essaime à l'italienne

L'opérateur télécoms pourrait sortir pour la première fois du marché français. Une manière de relancer sa croissance, qui faiblit en France.
Xavier Niel, le 10 mars 2015 à Paris. (Photo Eric Piermont. AFP)
publié le 6 juillet 2016 à 17h50

Le développement de Free, la boîte de télécoms de Xavier Niel, fait penser à celle d’un ex-ado boutonneux arrivé à l’âge adulte. D’abord, il a hurlé de joie quand ses parents l’ont enfin autorisé à sortir le vendredi soir avec les copains. C’était en 2012, lorsque le fournisseur d’accès à internet a pu se lancer sur le marché du mobile, faisant exploser son chiffre d’affaires et sa valeur boursière. Mais, après s’être murgé tous les samedis soir pendant quatre ans dans la discothèque du coin, l’ado commence à se lasser et à se sentir à l’étroit. Le voilà qui a envie d’exotique, d’ailleurs, d’international.

Dossier Erasmus en bonne voie

Emporté par la fougue de la jeunesse, il s’est d’abord imaginé débarquer fièrement sur le plus gros marché du monde, les Etats-Unis. En 2014, Free, présent seulement en France, tente de racheter outre-Atlantique T-Mobile pour 15 milliards de dollars. Trop ambitieux, l’insolent est éconduit par les Ricains. Il revoit ses ambitions à la baisse et songe début 2016 à s’étendre au Royaume-Uni. Encore raté : une décision de la Commission européenne bloque aussi sec son projet. Pas de quoi le décourager. Le fougueux opérateur se verrait bien désormais en Italie, chez les cousins latins. Et cette fois, son dossier Erasmus semble en bonne voie pour aboutir.

Free a dévoilé mercredi l'accord qu'il a passé avec deux opérateurs italiens de téléphonie mobile en passe de fusionner, H3G et Wind, détenus respectivement par le groupe hongkongais Hutchison et le russe Vimpelcom. A l'occasion de l'opération, pas encore effective, la société française pourrait récupérer des fréquences et des antennes qui lui permettraient de s'établir sur le marché transalpin.

«L'opération devrait se faire»

Hutchison et VimpelCom doivent en effet se délester de quelques actifs pour que leur projet de fusion soit validé par la Commission européenne, avant la date annoncée du 8 septembre. Soucieuse de maintenir la concurrence, celle-ci voit l'arrivée de Free sur le marché italien d'un bon œil. «Vu les garanties apportées, l'opération devrait se faire», juge un excellent connaisseur des dossiers de concurrence européens.

Dans le détail, Free (qui n'a pas souhaité s'exprimer) promet de débourser 450 millions d'euros entre 2017 et 2019 pour racheter des fréquences 3G et 4G, sur lesquelles il pourra faire transiter les données mobiles de ses clients italiens. Avec 2x35 millihertz, le portefeuille est conséquent mais moins important que celui dont Free dispose en France (2x55 millihertz).

Pas cher payé

L’opérateur s’engage par ailleurs à acquérir ou à partager des antennes du futur ensemble fusionné Wind/H3G. Enfin, grâce à un accord d’itinérance, c’est-à-dire de location, valable cinq ans et renouvelable une fois, il pourra s’appuyer aussi sur les réseaux du futur ensemble Wind/H3G afin de compléter sa couverture du territoire.

Au total, l'investissement, qui permettrait à Free d'être rapidement actif en Italie, s'élèverait à 1,5 milliard d'euros, selon les Echos. Pas de problème pour le financer : peu endettée, l'entreprise aux 335 millions d'euros de résultat net l'an dernier avait une trésorerie disponible de plus de 700 millions d'euros à la fin décembre.

Le coup qu'elle tente de réaliser n'est pas cher payé. «Le package est idéal», estime une source proche du dossier. Surtout que le marché italien, moins mûr que le français, peut sembler prometteur pour un nouvel entrant désireux de l'animer : la 4G y est peu développée, la convergence entre le fixe et le mobile n'a pas eu lieu et beaucoup de consommateurs préfèrent encore les cartes prépayées aux forfaits d'abonnement.

Perspectives moins affriolantes

Pour Free, la nécessité de sortir de France s'est encore renforcée après l'échec, il y a quelques semaines, du rachat de Bouygues Telecom par Orange. En faisant revenir le marché à trois opérateurs, il aurait permis à ceux-ci de remonter les prix et de gagner davantage d'argent. Mais en son absence, la concurrence reste vive et les perspectives sont moins affriolantes.

Free le sait très bien, lui qui a superbement réussi son arrivée dans le mobile mais voit désormais son chiffre d’affaires croître de moins en moins vite au fil des années : +49% en 2012, +19% en 2013, +11% en 2014 et seulement +6% en 2015. L’aventure italienne doit être comprise comme une façon de rallumer la machine.