Gros coup dur pour l'européen Airbus. Alors que la compétition est de plus en plus vive avec l'américain Boeing, le groupe aéronautique basé à Toulouse a annoncé mardi soir au salon aéronautique de Farnborough (Angleterre) qu'il ralentissait la cadence de production de l'A380, son produit-phare, en raison d'un nombre de commandes plus faible que prévu. A partir de 2018, seul un appareil par mois sortira de ses chaînes contre deux actuellement. Objectif, lisser le processus industriel afin de maintenir le savoir-faire et l'outillage chez les fournisseurs. «Nous avons 319 commandes d'A380 et, sur ce chiffre, il nous en reste 126 à fabriquer. Si nous continuons à le produire à raison de 2 par mois, nos sous-traitants risquent d'avoir une rupture de charge avant la reprise de nouveaux contrats. Pour l'éviter, nous préférons aller plus lentement», explique un représentant du groupe.
On a tous en mémoire ce très gros porteur à l'allure futuriste capable de transporter 600 personnes invitées à s'ébattre dans divers salons, escaliers monumentaux et autres bars ultra-cosy. Lancé au milieu des années 90 sous le nom barbare d'A3XX, l'A380 a été mis en service en 2007 après avoir fait son premier vol en 2005. Il est à ce jour le plus gros avion civil de transport de passagers en service, ce qui est sa grosse qualité mais aussi son énorme défaut. Car s'il permet de résoudre en partie les congestions aéroportuaires dues à l'essor du trafic aérien, il reste difficile à manier pour des tas d'aéroports. Le problème ne réside pas seulement dans les infrastructures (qui doivent être adaptées à son volume) mais aussi dans la fluidification du trafic des passagers. On ne «traite» pas de la même façon 600 ou 300 personnes, surtout quand les contrôles de sécurité sont renforcés de façon drastique pour faire face aux menaces terroristes. «Il y a actuellement plus de 100 aéroports dans le monde qui sont adaptés à l'A380» explique-t-on chez Airbus, un chiffre qui, au fond, n'est pas si élevé et qui explique que le nombre de commandes espéré ne soit pas au rendez-vous.
Faire des économies
Le constructeur européen garde malgré tout espoir. Pour lui, c'est une question de temps. «On reste persuadé que cet appareil finira par trouver son marché.» Comble de malchance, après deux années sans le moindre contrat, la commande de douze A380 qu'il vient de conclure avec l'Iran doit encore être validée par les Etats-Unis (10% des composants de l'appareils sont d'origine américaine). Certes c'est un problème que connait aussi Boeing, mais c'est une bien maigre consolation. Pour l'heure, l'objectif est de continuer à trouver des économies à faire sur ce programme. Premier défi, réduire le point mort, situé aujourd'hui à 22 appareils par an. Deuxième défi, préserver l'emploi. Coup de chance, deux autres appareils, l'A320 et l'A350 connaissent une grosse montée en cadence de production et une partie du site et des personnels affectés à l'A380 pourraient être reportés sur ces chaines-là.
Au coude à coude en termes de prises de commandes et d’innovation, Airbus et Boeing continuent à miser sur une hausse du trafic aérien de 5% par an pendant encore vingt ans. Une hausse tirée par l’amélioration des conditions de vie des classes moyennes dans les pays à forte croissance démographique (Chine, Inde etc.) et, à terme, par le nécessaire remplacement des avions anciens. Pour l’heure, Airbus a un carnet de commandes de 6 800 avions, soit dix ans de boulot. Un rêve pour beaucoup d’entreprises mais qui pourrait se transformer en cauchemar quand se profilera une saturation du trafic.